La cinquième réunion du club AOC est intégralement consacrée à des vins étrangers :
- Thème 1 : les vins blancs de Franconie.
- Thème 2 : petite virée aux antipodes avec quelques vins néo-zélandais.
L’emploi du temps de François, l’oenophile voyageur du groupe, nous a contraints à une modification de notre programme
initial et nous a conduits à associer 2 thèmes un peu « exotiques » dans la même soirée.
En bon connaisseur des vignobles allemands, François a sélectionné une série de flacons aux formes pour le moins
curieuses, afin de nous livrer un aperçu de la production vineuse de cette région dont j’ignore vraiment tout…
La série suivante nous emmènera encore beaucoup loin avec une courte série de vins néo-zélandais également conçue par
François.
Les vins de la première série sont servis bouteilles découvertes (de toute façon la forme des flacons franconiens n’est pas adaptée à la chaussette…) et 2 par
2.
Les vins de la seconde série sont cachés (effet de style, puisque personne ne connaît vraiment ces vins...), servis en carafe et 2 par 2.
Verres INAO.
Soirée Club AOC du 6 mai 2011 à La Wantzenau
Le groupe AOC en plein travail.
Thème 1 : les bouteilles ventrues de Franconie !
Fraenzi Castell – Fürstlich Castellsches Domänenamt : le nez est agréable, délicatement floral
et un peu muscaté, la bouche possède un équilibre légèrement moelleux rafraîchi par une bulle fine et désaltérante et une finale acidulée.
Un vin blanc effervescent « technique » (la bulle est obtenue par ajout de CO2) mais diablement
séduisant.
Vue du ciel la petite ville de Castell (à l’est de Würzurg) entourée de vignes.
Müller Thurgau Wurzburger Pfaffenberg 2009 – Bürgerspital Würzburg : le nez est flatteur,
des notes florales, un peu de bonbon acidulé et un soupçon de vanille composent une palette assez complexe, la bouche reste simple, l’équilibre est correct mais la finale reste un peu
aqueuse.
Müller Thurgau Casteller Bausch 2009 - Fürstlich Castellsches Domänenamt : le
nez est marqué par de puissantes notes fumées qui laissent progressivement la place à de délicats arômes floraux, la bouche est un peu plus ample avec une matière plus concentrée, un léger CO2 et
une présence plus longue malgré cette petite amertume qui durcit la finale.
Crée en 1882 par le professeur Müller dans le canton suisse de Thurgau, ce cépage très répandu en Franconie produit des vins
simples, faciles d’accès mais manquant parfois de profondeur. Ces 2 bouteilles se dégustent sans déplaisir, la première jouant sur le charme immédiat et la seconde moins flatteuse mais avec un
peu plus de matière.
Blauer Silvaner 2009 – Bürgerspital Würzburg : le nez est discret, floral et légèrement fumé, la
présence en bouche est très agressive avec une acidité tranchante et une amertume sensible qui écrasent une matière pourtant assez riche.
Issu d’un cépage rare, ce vin surprend par son équilibre très sec. Problème de maturité ou besoin de vieillir un peu…les 2
probablement.
Les caves du Bürgerspital de Würzburg.
Silvaner Casteller Hohnart 2009 - Fürstlich Castellsches Domänenamt : le nez est
discret et fin, sur un registre floral et citronné, la bouche est bien équilibrée avec une acidité présente mais bien mûre et un longueur finale correcte.
Silvaner Würzburger Stein 2009 – Julius Spital Würzburg : le nez s’ouvre sur de
puissantes notes de réduction avant de livrer quelques belle notes florales et pierreuses, en bouche, la matière est belle avec un CO2 présent et une fraîcheur agréable, la finale est bien
aromatique avec quelques notes de zestes et une touche poivrée..
Le premier vin classique et consensuel (12°5 – 4g de SR – 5,9g d’acidité totale) est vraiment très bien fait, le second, doté
d’une personnalité plus affirmée et d’une matière plus riche (14° - 2,8g de SR – 5,8g d’acidité totale), provient d’un des lieux-dits les plus réputés de la Franconie, il est encore bien jeune
mais possède un beau potentiel de garde.
Les pentes du Würzburger Stein
Riesling 2009 – Bürgerspital Würzburg : le nez est délicat avec des notes d’agrumes et une touche
légèrement grillée, la bouche est particulièrement bien équilibrée entre une acidité fine et longue et un joli gras, la finale présente un caractère minéral bien affirmé.
Riesling Würzburger Stein 2010 – Julius Spital Würzburg : le nez est discret avec des
notes pierreuses, un léger fumé et une touche d’agrumes frais, la bouche est très droite avec une acidité pointue et une profonde minéralité.
Voilà deux vins bien typés où le riesling s’imprègne de la marque minérale du terroir mais révèle aussi la spécificité de deux
millésimes bien différents : généreux et direct sur 2009, plus austère solidement structuré sur 2010.
Le Julius Spital de Würzburg.
Rieslaner Spätlese 2009 – Fürstlich Castellsches Domänenamt : le nez est très fin avec des
notes florales et pierreuses, la bouche délicatement moelleuse révèle une palette riche et complexe sur la pêche blanche, les épice et une pointe de gentiane, la finale est très
longue.
Comme son nom le laisse deviner ce cépage est issu d’un croisement entre riesling et silvaner ; récolté tardivement il
produit un vin assez concentré (12°5 – 40g de SR – 7,5g AT) mais superbement équilibré et très aromatique…une très belle surprise !
Mon coup de cœur personnel
Pour conclure :
- Voilà encore une incursion outre-Rhin réussie dans cette région dont j’ignorais vraiment tout jusqu’à aujourd’hui. Le
monde du vin n’a décidément pas fini de m’étonner…et c’est très bien comme ça !
- La région viticole de Franconie se situe autour de la ville de Würzburg entre Aschaffenburg et Schweinfurt. Son vignoble
de 6000 hectares s’étend principalement sur les coteaux exposés sud qui bordent le Main et ses affluents. Les sols sont en majorité calcaires (portlandien et muschelkalk), marneux ou gréseux avec
plus ou moins de loess et les cépages principaux sont le Müller-Thurgau, le Silvaner et le Riesling. Les plus grands vins sont produits dans les caves des Hospices dans les villes ou par quelques
grandes exploitations comme celle du Comte Castell.
Würzburg
- Ces vins dans leurs drôles de flacons possèdent des équilibres très secs avec des acidités souvent tranchantes, assez
proches de celles des vins mosellans. Ceci dit, cette série s’est dégustée assez facilement même si quelques années de garde auraient sûrement patiné les matières parfois virulentes de ces crus
en leur conférant un soupçon d’élégance supplémentaire.
- Pour ce qui est du coup de cœur personnel : le Rieslaner Spätlese 2009 avec son équilibre délicieusement moelleux et sa
richesse aromatique m’a vraiment régalé. MIAM !
Vraiment étonnants ces flacons franconniens… !
Thème 2 : peut-on boire des vins la tête en bas ?
Riesling 2009 – Skyleaf Waipara Valley (Marlborough) : le nez est discret, fin avec une palette
florale très subtile, la bouche est ronde, légèrement acidulée mais un peu courte.
Riesling 2008 – Felton Road Cental Otago : le nez est très spécial, peu flatteur avec des
notes de torréfaction et d’hydrocarbures qui monopolisent le registre aromatique, l’attaque en bouche est vive, le milieu plus aimable et légèrement moelleux livre de beaux arômes de jus
d’agrumes, mais le goût de pétrole revient très fort en finale.
Le premier riesling se présente sans défauts, avec une belle buvabilité mais sa personnalité passe-partout pourra lasser très
vite, le second possède des éléments constitutifs très riches mais pour l’heure il manque cruellement d’élégance. Son équilibre (9°5 – 56g de SR – 8g AT) me fait penser à un jeune riesling de la
Mosel et me conduit à penser que peut-être en vieillissant…
Pinot Noir 2008 – Dashwood Marlborough : le nez associe des arômes légèrement torréfiés à un
fruité gourmand, la bouche est charnue, finement tannique avec toujours ces notes de torréfaction, la finale est assez longue mais un peu chaude.
Pinot Noir 2008 – Gum Estate Central Otago : le nez est peu agréable à l’attaque avec des
notes de levain qui écrasent les reste de la palette où on devine un peu de torréfaction et des arômes de fruits rouges confits, la bouche est nettement plus agréable avec son toucher velouté, sa
matière concentrée et bien aromatique (mûre) et sa finale équilibrée et de belle longueur.
Le premier vin est flatteur au nez mais un peu décevant en bouche, le second révèle présence concentrée et équilibrée au palais
mais demande au dégustateur un peu de courage pour passer le cap d’une olfaction vraiment rédhibitoire…on prend le meilleur de l’un et de l’autre et on rêve d’un très grand
vin.
Pinot Noir 2006 – Prophet’s Rock Central Otago : le nez est assez discret mais d’une belle
complexité, un peu de poudre à canon au début mais très vite on se régale avec des arômes de cassis et d’épices, la bouche est riche avec beaucoup de soie et un fond très épicé, la finale est
longue mais un peu chaude.
Pinot Noir 2006 – Craggy Range Martinborough : le nez s’ouvre sur des notes de assez
désagréables, métalliques et végétales (un peu de réduction sûrement…), après aération l’ensemble s’harmonise sur un registre complex à la fois floral et fruité, la matière en bouche impressionne
par sa puissance et son équilibre, la finale est très longue, soutenue par une fine acidité qui laisse une impression de fraîcheur bienvenue.
Voilà certainement deux très beaux vins qui ont un peu souffert des conditions de dégustation : ils auraient mérité un
carafage beaucoup plus long pour s’exprimer pleinement. Mais il n’en reste pas moins que ces deux expressions très exotiques de ce cépage que j’affectionne particulièrement m’ont agréablement
surpris.
La « renversante » série néo-zélandaise…
Pour conclure :
- cette visite expresse dans ce vignoble aux antipodes m’a permis de me faire une toute petite idée sur le type de vin
produit dans un pays dont je ne connaissait que leur équipe de rugby…merci à François de continuer à œuvrer pour ouvrir nos horizons culturels !
- ces vins ont incontestablement un style très « Nouveau Monde » qui bouscule un peu nos représentations et nos
références gustatives. Les deux blancs issus de notre cépage régional vénéré ne m’ont guère convaincu : l’un sans relief, l’autre caricatural…mon alsaco-centrisme sur le riesling ne sera pas
mis à mal par ces 2 références. Les rouges m’ont un peu plus séduit mais pas de quoi bousculer ma hiérarchie personnelle sur le pinot noir : ces vins sont très démonstratifs mais pêchent
souvent par un manque de finesse.
- Je ne parlerai pas de véritable « Coup de coeur » sur cette série car aucun de ces vins ne m’a procuré de
satisfaction sans réserve. Ceci dit, le doublette de 2006 a révélé en partie le potentiel viticole de ce pays lointain.
A revoir certainement…