Cette soirée organisée de main de maître par Stéphane (comme d’habitude !) nous proposait de découvrir les vins de Vouvray en nous intéressant exclusivement à
la production d’un domaine précis.
Le choix du vigneron qui allait fournir la matière liquide pour illustrer notre thème d’étude fut chose aisée : avec ses pratiques culturales exigeantes, ses beaux terroirs, sa carte très
complète et sa notoriété affirmée, le Domaine Huet s’imposait tout naturellement.
Au programme 12 cuvées choisies dans la gamme très fournie de ce domaine, qui propose des vins secs, demi-secs ou moelleux sur 3 terroirs biens distinct :
- Le Mont : 8 ha avec un sous-sol composé d’argiles vertes, de silice et de cailloux
- Le Haut Lieu : 9 ha avec un sous-sol argilo-calcaire profond
- Le Clos du Bourg : 6 ha avec un sol peu épais qui recouvre la roche calcaire.
Les vins sont servis dans des verres Spiegelau à température de cave (alsacienne en hiver…donc environ 8 à 10 degrés) mais la dégustation ne s’est pas faite à l’aveugle.
Soirée club AOC du 5 mars 2010 à Reichstett
Première série : les vins secs.
Le nez est discret mais très pur, dominé par le citron frais, la bouche possède un joli gras, une acidité pointue et des SR bien intégrés (près de 9 g). La finale est nette et digeste avec des
arômes de pamplemousse fins et persistants.
Une belle entrée en matière avec un équilibre gourmand et un profil aromatique simple mais précis.
Le nez est marqué par des notes de fumé et de fruits blancs, au palais l’équilibre semble plus sec que pour le 2007 (il y a en effet 3 g de SR en moins), la minéralité est affirmée, le milieu de
bouche est un peu en creux mais la finale est de toute beauté avec du fruit (pomme) et de la longueur.
Un profil aromatique qui s’oriente nettement vers des accents de terroir, une belle présence en finale mais un petit manque de cohérence au niveau de la
structure… ce vin a du potentiel mais est encore bien jeune aujourd’hui.
Le nez est ouvert et expressif, miel, fruits blancs (pomme verte) et silex en finale composent une belle palette. La bouche est tonique et ample, l’équilibre est raffiné avec une acidité longue,
des SR présents sans être dominants (8g) et quelques nuances finement boisées. Une fine amertume rend la finale fraîche et digeste.
Même millésime mais terroir différent pour ce vin complet et assez flatteur qui semble plus ouvert que le précédent.
Deuxième série : les vins demi-secs
Le nez est intense et complexe avec des arômes de fruits blancs (pomme, banane) et quelques nuances plus exotiques (sucre de canne, épices douces). La bouche est ronde, le toucher est soyeux et
l’équilibre entre les SR (30 g) et l’acidité se construit progressivement à partir du milieu de bouche. La finale est droite et longue avec de délicats arômes de coing frais.
Un vin avec une matière riche et gourmande, qui doit encore harmoniser sa structure mais qui possède déjà de beaux arguments pour séduire.
Le nez est discret avec des arômes de miel et quelques nuances pierreuses, la bouche est puissante, volumineuse et profondément minérale, la finale est fraîche avec une légère amertume et
quelques notes de pamplemousse et de levure de bière.
Un très bel équilibre avec une richesse contenue (21 g de SR) et une structure minérale affirmée.
Le nez est discret sur les agrumes frais et la pierre chaude, l’attaque en bouche est franche et agréable, le vin possède un équilibre en demi-corps très élégant, la finale est marquée par un
joli retour minéral agrémenté de délicates notes d’épices.
Une matière mûre et magnifiquement équilibrée avec une palette qui révèle une belle complexité aromatique…ce vin commence à s’ouvrir avec beaucoup de
classe.
Bouchonné
Le nez est un peu surprenant avec des notes fumées, iodées et presque caoutchouteuses, la bouche est très bien équilibrée mais le profil aromatique suscite quelques doutes…la finale fortement
tourbée et un peu amère évoque certaines cuvées oxydatives.
Le vin de la série qui a le plus divisé l’assemblée…mais il faut reconnaître qu’il y avait de quoi être dérouté. Personnellement c’est le profil olfactif qui m’a
vraiment perturbé… Mystère !
Suite au débat sur le dernier vin Stéphane nous propose un intermède sur le même thème, histoire de remettre les papilles d’équerre. Je ne vous parlerai pas de la bouteille de chenin vietnamien
qu’il nous a infligée (surement pour nous punir d’avoir discuté un vin qu’il avait trouvé vraiment bon, mais passons…) mais de l’autre flacon sorti de sa réserve personnelle :
Le nez est surprenant mais assez agréable avec des notes d’infusion, de menthe poivrée (un peu comme un vieux muscat d’Alsace), la bouche possède une structure droite avec une acidité tonique,
les notes végétales restent bien présentes, la finale est fraîche mais assez courte.
Un quart de siècle bien tapé que ce chenin assume sans faiblesse…ça manque un peu de complexité mais la tenue en bouche est remarquable.
Dernière série : les vins moelleux
Le nez est d’une pureté impeccable et offre une palette séduisante sur le coing frais et le citron vert, en bouche, après une attaque assez vive avec une acidité franche et longue, l’équilibre se
réalise sur un registre d’une grande suavité, la finale est très longue.
Un futur moelleux d’anthologie avec ses 53 g de SR et son acidité profonde… ceci dit, il se goûte si bien en ce moment qu’il sera peut-être difficile
d’attendre !
Le nez se livre avec retenue et élégance sur des notes florales, réglissées et légèrement boisées, la bouche est ample et sphérique, la finale révèle une minéralité puissante et très
profonde.
Un équilibre digeste sur une matière riche et concentrée (46 g de SR), un moelleux ligérien dans toute sa splendeur !
Le nez est aérien avec une palette évoquant la citronnelle et les fleurs, l’équilibre en bouche est fin, l’acidité longue et pure répond à une sucrosité parfaitement intégrée. La finale est
longue avec de belles fragrances épicées et minérales.
La matière est puissante mais la structure joue sur le registre de la subtilité et de l’élégance…une très belle bouteille !
De fugaces notes de réductions font rapidement place à une belle palette sur les fruits blancs, le sous-bois et quelques notes torréfiées, la bouche est sphérique et gourmande avec une acidité
puissante, une minéralité presque tactile, qui enrobent une matière très mûre (67 g de SR). La finale est très longue sur les fruits blancs mûrs et les épices.
Une grande bouteille de 14 ans avec un plateau de maturité qui semble atteint mais dont on ne mesure pas l’étendue dans le temps…il est bâti pour séduire les
générations futures.
Pour conclure :
Ces Vouvray du domaine Huet m’ont bluffé par leur structure et par leur tenue face au temps qui passe :
- les équilibres complexes entre acidité/sucre/alcool construisent des vins à nul autre pareils…on entre vraiment dans un monde particulier fait de douceur et de puissance minérale.
- ces vins ne semblent pas être affectés par le temps qui passe, qu’ils soient secs, demi-secs ou moelleux, ils semblent nés pour vivre une perpétuelle jeunesse.
Pour les coups de cœur, le choix s’avère difficile tant la qualité des vins a été homogène ce soir. Grand amateur de vins secs, j’ai été sensible à l’esthétique des 3 premiers vins de la série,
même si je suis persuadé qu’ils seront encore bien plus grands dans 5 à 10 ans. Mais, comme je l’ai déjà évoqué plus haut, les cuvées plus riches m’ont complètement séduit, en
particulier :
- le Haut Lieu demi-sec 2008 pour la perfection de son équilibre
- Le Clos du Bourg 1° Trie moelleux 1996 pour sa structure généreuse et sa jeunesse qui a des accents d’éternité.
Mille mercis à Stéphane pour cette initiative – qui osera encore l’accuser d’alsaco-centrisme – cette soirée impeccablement organisée nous a permis de faire un tour d’horizon dans un autre grand
terroir à vins blancs.