Parti de Strasbourg vers 5 heures du matin sous la pluie, je suis absolument ravi de me retrouver au pied du Mont Brouilly
éclairé par un beau soleil automnal pour commencer mon nouveau périple dans le vignoble de la Bourgogne et du Beaujolais.
Le programme 2012 ne comporte pas de nouvelles adresses puisqu’il va me conduire chez des vignerons que j’ai eu l’occasion
de rencontrer durant ces dernières années et que j’avais vraiment envie de revoir une fois de plus.
La première journée sera très « rouge » et exclusivement beaujolaise avec des visites au Château Thivin à Odenas, au domaine Burgaud à Morgon, au domaine de la Grande Cour à Fleurie et au domaine Janin à Romanèche.
La seconde journée sera plus bouguignonne et presque exclusivement « blanche » avec une étape chez les Brothers de Vinzelles et une autre à Meursault au domaine
Buisson-Charles.
Hoppla, c’est parti !
Vue panoramique sur Fleurie du haut de la Côte du Py…toute la magie des paysages du beaujolais
Jour 2. : visite au domaine Buisson-Charles à Meursault
L’ultime étape avant mon retour dans le grand nord alsacien ne correspond plus vraiment au thème initial de mon périple : j’ai bien conscience que le fait
d’inclure une visite à Meursault dans circuit baptisé « pèlerinage en Beaujolais » me fera passer pour un inculte aux yeux de tout œnophile…et peut-être même pour un provocateur aux
yeux de certains murisaltiens (Zut ! Il va falloir que je maquille ma vieille Renault pour ne pas me faire caillasser lors de mon prochain séjour dans la région).
Qu’à cela ne tienne, pour passer quelques moments au domaine Buisson-Charles, je suis prêt à prendre tous les risques…d’autant plus que cette
année, et pour la première fois, j’ai le plaisir d’être accueilli par Catherine et Patrick Essa.
Après une discussion passionnée sur l’évolution de DC et sur nos manières respectives d’aimer le vin, Patrick évoque la difficulté de ce millésime 2012 :
comme partout en Bourgogne, le travail acharné à la vigne a permis de sortir des jus de qualité mais les rendements ont été calamiteux « nous avons réalisé un tiers de notre récolte
habituelle »…Aïe !!!
Fort heureusement, il y a eu plus de vin en 2011, mais Catherine reste vigilante « Il va falloir gérer sévèrement le stock pour ne pas refuser trop
souvent du vin à notre clientèle ». A bon entendeur...
Bon, mine de rien, l’heure avance et il me reste encore plus de 3 heures de route à faire ce soir…il faut passer aux choses sérieuses !
Nous commençons par un tour complet sur le millésime 2011, dont la plupart des vins ne sont pas
encore en bouteilles : après un élevage traditionnel en pièces bourguignonnes les différents crus sont assemblés et mis en cuves pour un séjour de quelques mois durant lequel les matières
s’affinent, s’harmonisent et se stabilisent.
Aligoté: le nez est discret mais bien complexe avec des notes de fleurs, une touche de menthe
fraîche et une présence minérale déjà sensible, la bouche séduit par sa belle matière ample, vive et tendue.
Aligoté 2010 : le nez est pur et cristallin sur les fruits blancs, la présence en bouche est un peu
plus raffinée, assez souple à l’attaque, la matière déploie une belle charpente avec une acidité bien large et une finale rafraîchie par quelques amers nobles.
Issu d’une parcelle de vieilles vignes sur le finage de Meursault cet Aligoté élevé à 100% en cuve me surprend chaque année par sa personnalité complexe et distinguée qui le rend presque atypique.
Le 2011 commence à se mettre en place mais montre déjà un équilibre proche de la perfection et le 2010, vif et sapide entame sa
phase de plénitude.
D’après ma théorie sur les cuvées d’entrée de gamme, je n’aurais pas besoin d’aller plus loin dans cette dégustation : quand on réussit un « petit vin » de ce tonneau là, il
n’y a pas d’inquiétude à se faire sur la qualité des bouteilles plus prestigieuses de la gamme…Mais bon, Patrick est déjà reparti chercher d’autre bouteilles, je vais peut-être me laisser tenter
quand même !
Bourgogne blanc : le nez est très engageant avec des notes de fruits blancs et de fleurs, la bouche
est précise et pointue mais très équilibrée, la finale bien tendue possède une jolie longueur aromatique.
Pour pouvoir proposer un chardonnay d’entrée de gamme entre l’Aligoté et les crus de Meursault, le domaine Buisson-Charles a acquis cette parcelle sous le lieu-dit « Les Limozins ».
Elevée pour moitié en cuve et pour moitié en fûts cette cuvée finement aromatique et d’une fraîcheur guillerette est une vraie réussite. Bravo !
Meursault Vieilles Vignes : le nez est élégant et complexe sur les fruits blancs et la
pierre, en bouche l’attaque est bien vive et la matière possède un toucher très grenu et une acidité mûre et profonde, la finale est vive et finement mentholée.
Issus d’un assemblage de 6 parcelles de vieilles vignes (45 à 90 ans) dont la plus grande (Les Pellans) se situe près du ban de Puligny, ce vin élégant, précis et bien concentré nous emmène
immédiatement vers l’incomparable esthétique des crus murisaltiens…vivement la suite !
Meursault Tessons : le nez fin et délicat avec de discrètes notes d’amande et de fleurs, en
bouche la matière est ample avec une acidité franche et bien mûre qui donne un côté très caressant au toucher, la finale est pure et précise.
Malgré une olfaction encore un peu timide ce Tessons charme son monde avec beaucoup d’aisance grâce à son côté immédiat et flatteur en bouche, qui nous ferait presque oublier qu’il est aussi,
et peut-être surtout, un vin de garde…MIAM !
Meursault 1° Cru Les Cras : le nez est très raffiné avec des notes de noisette fraîche et
de fleurs, la bouche se situe dans une belle continuité avec la une silhouette élégante, un peu ovale mais tendue par une acidité puissante qui soutient une finale de toute beauté.
Issu d’une parcelle de vignes presque sexagénaire, ce vin exprime avec beaucoup de noblesse la richesse du millésime et la force minérale de son terroir. Comme pour Tessons, le côté avenant
de ce 1° Cru ne doit pas occulter le fait qu’il faudra tout de même le laisser se reposer un peu en cave pour lui donner la possibilité de s’exprimer pleinement.
Meursault 1° Cru Charmes : le nez est racé et complexe sur la mie de pain, les fruits
blancs et une fine touche minérale, la bouche est riche, puissante mais structurée par une acidité immédiate et très verticale, la finale est longue, sapide et accompagnée de subtiles notes
pierreuses.
Ce 1° Cru né dans le secteur haut de ce vaste climat murisaltien affirme une personnalité bien marquée sur ce millésime : dense, plein et solidement tendu, notre Charmes ne porte pas
encore très bien son nom, mais possède le potentiel d’un très grand vin…Patience !
Meursault 1° Cru Bouches-Chères : le nez est délicat, la palette très noble livre de belles
notes de fruits blancs et de vanille, en bouche on perçoit une matière suave et une acidité mure et puissante qui construisent un équilibre parfait, la finale est déjà bien en place longue,
fraîche…très aérienne.
Magnifique de précision et d’élégance, Bouches-Chères 2011 se livre avec une grande franchise et une gourmandise vraiment irrésistible...un vin somptueux, impossible à
recracher !
Meursault 1° Cru Goutte d’Or : le nez discret et raffiné évoque la pureté cristalline d’une eau de
roche, la bouche est particulièrement puissante avec un fruité et une minéralité qui s’imposent progressivement, la finale très longue laisse persister un sillage aromatique très complexe, fruits
blancs, amandes, minéralité…
Il fallait un certain aplomb pour succéder sans faillir à cet exceptionnel trio de 1° Crus, mais ce Goutte d’Or est absolument incomparable…les quelques rangs de vigne que le domaine possède
sur ce climat ont produit en 2011 un vin majuscule qui se situe largement au niveau d’un Grand Cru de la Côte de Beaune.
Nous enchainons avec 2 cuvées négoce du millésime 2011 :
Corton Charlemagne : le nez est discret avec une palette très classieuse alliant des nuances
fruitées, minérales et finement vanillées, la bouche large et sphérique développe de belles notes d’agrumes frais, la finale est franche et bien minérale quoique un peu moins longue que celle du
vin précédent.
Cette première rencontre avec un vin de la jeune gamme négoce du domaine est tout à fait réussie : issu du secteur très qualitatif « En Charlemagne » ce Grand Cru tient son
rang avec une grande aisance. Très beau vin !
Chassagne Montrachet 1°Cru En Remilly : le nez vif et frais livre d’intenses arômes de
citron et de fruits exotiques, la bouche met en présence une acidité incisive et longue et un jus très généreux, mais ces éléments constitutifs très nobles n’ont pas encore établi de réel
dialogue entre eux.
Issu d’un climat 1°Cru situé au dessus du coteau du Montrachet, ce Chassagne est, à mon sens, le moins prêt à boire de tous les vins goûtés jusque là : la structure acide et la matière
sont de très belle facture mais ils ne se parlent pas encore…Patience !
Suite à la discussion sur ce dernier vin, Patrick part faire un tour dans la réserve pour me proposer la dégustation de la même référence sur le millésime
précédent :
Chassagne Montrachet 1°Cru En Remilly 2010 : le nez très engageant s’ouvre sur les amandes
fraîches et les épices douces avant de délivrer son message fruité, la bouche est pleine, sphérique, la matière très onctueuse et la tension bien présente créent un équilibre d’une harmonie
absolue.
Après un an de bouteille, le petit nouveau de la gamme Buisson-Charles montre qu’il mérite amplement sa place sur la carte du domaine…Magnifique tout simplement !
Meursault 1°Cru Goutte d’Or
2010 : pureté, précision, verticalité, longueur majuscule…époustouflant !
Il y a des vins qui laissent sans voix…et qui ne donnent pas envie de faire des phrases.
Si je m’étais laissé aller je n’aurais utilisé que des onomatopées comme : MMMMMMMMMMMMHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!
Pour mettre le point final à cette longue dégustation, Patrick m’invite à goûter une dernière
bouteille…et pourquoi pas un rouge !
Volnay 1°Cru Santenots 2011 : le nez est pur et fruité sur la cerise rouge, la bouche est
très gourmande avec une matière généreuse mais élégante soutenue par une fine trame tannique.
Avec un fruit qui croque sous la dent et une texture qui flatte le palais on sent une matière bien mûre et un élevage parfaitement intégré qui complexifie la structure sans marquer la palette
aromatique…Très séduisant, malgré son jeune âge…MIAM !
Après cette longue série, nous partons un petit tour sous terre pour visiter les caves du domaine après la grande opération de toilettage de
2011 :
Les voûtes de la cave Buisson-Charles…magnifiques, non !
L’accès vers la vinothèque du domaine.
Si je ne me trompe pas c’est Goutte d’Or 57…
Ma dernière tournée d’œnophile de 2012, loin de mes bases alsaciennes, se termine en beauté par cette visite rue de la
Velle à Meursault. Pour la première fois j’ai pu m’entretenir sans trop de pression temporelle avec Patrick et son épouse et je dois avouer que j’ai particulièrement apprécié cette rencontre.
Nous avons constaté que nous avions une réelle convergence de vue sur bien des aspects de cet univers vinique qui nous passionne.
Pour les vins du domaine, Patrick revendique clairement une recherche de précision, de pureté et de droiture. Cette esthétique particulière qui a commencé à signer les cuvées 2010 se retrouve
avec évidence sur les vins de 2011 : on y sent des matières assez riches mais les structures sont très élancées et tendues par des acidités magnifiquement définies.
La nouvelle cuvée de Bourgogne apporte une jolie transition entre un Aligoté toujours aussi qualitatif et les Crus de Meursault simplement magnifiques…ne me demandez pas de Coup de Cœur, le choix
est impossible !
N’oublions pas, les deux vins de 2010 qui m’ont mis deux claques magistrales : un Chassagne En Remilly concentré et déjà très gourmand et un Meursault Goutte d’Or qui est rentré
immédiatement dans mon top-ten personnel des plus grands vins rencontrés cette année.
Merci à Catherine et à Patrick pour leur accueil…et à l’année prochaine !
Une petite dernière pour la route...