Après avoir passé l’après-midi dans les eaux fraîches de l’Hérault, sur le site du Pont du Diable, nous nous rendons à Arboras où nous avons rendez-vous avec
Marie-Ange Royer et Eric Supply pour découvrir leur production sur le millésime 2009.
La plage de galets du Pont du Diable
Arboras, charmant village perché au dessus des vignes.
C’est en fin d’après-midi, au frais dans la petite cave sous la maison des Supply-Royer, que nous partons à la rencontre des vins de cette année chaude et sèche qui
a donné quelques belles frayeurs aux vignerons du Languedoc.
Nous commençons par les cuvées 2009 qui sont encore en cours d’élevage :
Lo Mescladis : la couleur est très vive, le nez a le charme immédiat du fruit bien
mûr, la bouche est grasse et riche mais la finale un peu plus nerveuse confère un bel équilibre à l’ensemble.
Décidément cette cuvée 100% roussane se fait attendre au domaine Supply-Royer ! En 2009 ce cépage a produit un très petit
volume avec une très forte maturité, l’assemblage avec du bourboulenc a permis le remplissage de la barrique tout en apportant une touche de fraîcheur à l’ensemble. Un vin opulent et complet qui
se présente a nous de façon tout à fait avenante mais qui gagnera surement à reposer un peu en cave.
Le Bourboulenc de Nega Saumas : le nez est un peu brouillé par des notes
fermentaires, la bouche révèle une très belle matière avec un fruité plus expressif et une acidité pure et profonde, la finale est très longue.
Un vin dont le profil olfactif est brouillé par une fermentation alcoolique qui se prolonge (« il finit ses sucres »)
mais dont la présence en bouche affirme un très haut niveau de qualité… très prometteur.
Un pied de bourboulenc sur Nega Saumas
Un intrus rouge : la robe est noire, le nez est intense avec une belle complexité (suie,
réglisse, herbes aromatiques), la bouche est très agréable, fraîche avec un fruit discret et une trame tannique assez serrée mais bien mûre.
Ce joli vin rouge gourmand et gouleyant (qui va être vendu comme vin de table) provient d’un assemblage à dominante syrah avec
toute une ribambelle de cépages rouges plus ou moins connus (merlot, carignan, aramon…).Quelques caisses de raisins cédées par un ami viticulteur à Viallat du Tarn et provenant du vignoble
aveyronnais ont permis à Eric Supply de vinifier cette cuvée originale : « Cette région viticole oubliée possède des terroirs superbes du villafranchien, où on pourrait faire de grands
vins, des blancs notamment ». A bon entendeur…
Le Mourvèdre des Crouzets 1 : le nez est fortement marqué par
l’élevage, avec des notes de poudre brulée (pétard), de croûte de pain grillée qui couvrent un fruit discret qu’il faut chercher loin au fond du verre, la bouche possède une matière riche et
suave avec un fruit plus présent, la finale est longue et finement boisée.
Cette cuvée, prélevée sur un fût neuf de 3 bois, est encore dominée par l’élevage. L’olfaction est monopolisée par des arômes de
torréfaction mais la présence en bouche témoigne d’une très belle matière qui prend déjà l’ascendant sur ce boisé un peu trop puissant.
Le Mourvèdre des Crouzets 2 : le nez est pur et fruité avec de très beaux arômes de
cerise mûre, la bouche est très gourmande, la finale revient sur le fruit et les épices avec une belle fraîcheur.
Cette cuvée, prélevée sur une feuillette de 2 vins, se goûte bien plus facilement à l’heure actuelle.
Le Mourvèdre du domaine se réalisera assemblant ces 2 vins ; il demandera surement quelques années de garde pour
s’harmoniser, mais il a les ressources pour tenir face au temps, c’est une certitude.
La Syrah de Pey Cherres 1 : la robe est sombre et dense, le nez est un peu brouillé et il
faut un peu de patience pour percevoir le fruit discret mais très précis, la bouche est équilibrée avec une structure bien carrée.
Même si la malo en cours voile un peu la qualité de l’olfaction, cette cuvée prélevée sur une barrique de 3 bois qui date de 2007,
se présente avec une matière riche et prometteuse.
La Syrah de Pey Cherres 2 : le nez est plus expressif sur les fruits noirs (cassis,
myrtille), le toucher de bouche est rond avec des tanins fins et soyeux.
Cette cuvée prélevée sur une barrique de chêne des Vosges est plus avancée que la précédente et offre un profil flatteur et
gourmand.
La Syrah du domaine sera le résultat de l’assemblage de ces 2 cuvées : le marquage boisé est plus discret, les matières sont
très concentrées… 2009 sera un millésime de plénitude pour ce vin.
La dégustation se poursuit par quelques vins en bouteilles puisés dans la réserve personnelle du vigneron :
La Syrah de Pey Cherres 2008 : le nez est dense et concentré avec des notes de
cassis, de noyau de cerise et quelques évocations plus minérales, la bouche concentrée et soyeuse offre de belles nuances truffées en finale.
Située entre deux années caniculaires, cette syrah 2008 se présente aujourd’hui comme un vin déjà bien en place, aromatiquement
très riche et d’une longueur remarquable.
La Syrah de Pey Cherres 2007 : le nez est riche et gourmand sur des fruits noirs
confits et les épices douces, la bouche est volumineuse, pleine de rondeur et de soie, la finale reste un peu marquée par l’alcool.
Plus massif et plus fougueux que le 2008, ce vin devra encore s’assagir quelques années en cave : il sera prêt à boire après
les 2006 et après les 2008.
Le Bourboulenc de Nega Saumas 2002 : le nez s’ouvre sur quelques notes oxydatives qui
laissent rapidement la place à une palette riche et complexe avec des aromes de fleurs (sureau, acacia) et de miel de garrigue, ce vin possède une chair agréable, généreuse avec une pointe de
fraîcheur bienvenue qui se révèle dès le milieu de bouche, la finale est profondément aromatique et très longue.
Cette cuvée dont certaines bouteilles présentaient un défaut olfactif dans leur prime jeunesse, n’a pas été proposée à la
vente ; aujourd’hui ce bourboulenc se livre avec une belle patine faite de complexité aromatique et d’équilibre en bouche. Au cas où on aurait des doutes sur le potentiel de garde des vins
du domaine…
La nouvelle référence du domaine : la cuvée d’assemblage roussane-bourboulenc
Ayant tous les deux une activité professionnelle principale (dans l’univers du vin bien-sûr) les Supply-Royer font du vin
sur leur temps de loisir. Ils vendent leurs bouteilles pour couvrir les frais de production, afin que leur passion commune ne grève pas le budget familial. Leurs bénéfices, ils les trouvent avant
tout dans le plaisir de réussir de belles cuvées mais aussi dans la reconnaissance des amateurs qui apprécient leurs vins. Cette démarche originale constitue, à mon sens, la clé pour entrer dans
leur univers.
Avec un cœur languedocien et une culture viticole fortement marquée par la Bourgogne, Eric réussit à concevoir des vins
qui expriment pleinement les terroirs locaux tout en gardant des principes bourguignons dans ses pratiques : il privilégie les cuvées mono-cépage issues d’une seule parcelle et ne conçoit
pas la vinification sans utiliser des contenants en bois.
J’aime la générosité et l’authenticité qui se dégage de chacun des vins de ce domaine : ils ne renient pas leurs
origines résolument sudistes tout en montrant un côté extrêmement raffiné qui s’affirme de plus en plus au vieillissement.
J’aime ce couple de vignerons dont l’amabilité, l’humilité et la passion partagée pour les vins me ravit à chaque nouvelle
rencontre.
Vivement l’été prochain pour ma quatrième visite à Arboras.
NB Si vous voulez en savoir plus la visite 2009 est relatée ICI