Quelques jours après mon arrivée dans notre villégiature estivale en Ardèche, j’ai rendu visite à un caviste de Ruoms pour me
faire une petite sélection de vins locaux et j’ai été particulièrement séduit par une belle cuvée de rouge provenant du domaine Salel-Renaud à Faugères. Le lendemain, oh surprise, ne voilà t’il
pas que mon conseiller particulier en vins ardéchois (vous aurez reconnu l’ami cyra) me propose un vin blanc de ce même domaine…et je retombe sous le charme.
Il n’en fallait pas plus pour attiser ma curiosité d’œnophile...
Vue du gîte de Grospierres…Faugères se trouve dans la montagne à l’arrière-plan
Faugères est un petit village de montagne qu’on atteint en empruntant une route étroite et sinueuse qui serpente entre rochers et
bois de résineux. Avec la chaleur et le chant des cigales en moins on se croirait presque dans le massif vosgien. Les points de vue sur la vallée et sur les sommets cévenols sont
magnifiques.
Dans la montée entre Paysac et Faugères
Après plus d’une demi-heure de promenade dans Faugères à la recherche de la maison des vignerons, je tombe, presque par hasard, sur Benoît Salel qui m’indique la route à suivre pour arriver à leur cave.
La petite route qui mène à la cave
Pour l’heure, le couple Salel-Renaud dispose du sous-sol de la maison d’un oncle située en contrebas de leur habitation principale pour exercer
leur activité professionnelle.
Les installations sont complètes et fonctionnelles mais l’espace fait un peu défaut « Nous projetons de nous établir dans des locaux plus grands en
nous rapprochant un peu de nos vignes ». En effet, la plus grande partie de leur surface viticole se situe près de Largentière, à une vingtaine de kilomètres de leur village…et
dans la montagne ardèchoise 20 kilomètres c’est très loin !
« Nous travaillons environ 9 hectares de vignes répartis sur 3 ilots de 3 hectares, l’un à Faugères et les autres près de Sanilhac et de
Montréal ».
Au niveau du terroir, les sols sont granitiques, gréseux ou schisteux « la vigne s’y enracine profondément et ne souffre jamais de la
sécheresse ». Les différentes parcelles se situent à une altitude entre 400 et 500 mètres et garantissent une belle fraîcheur naturelle aux vins qui y naissent.
Les raisins sont rentrés à parfaite maturité phénolique « c’est en goûtant les raisins que nous déterminons les dates des vendanges...et nous
sommes souvent les derniers à rentrer nos fruits dans la région ».
Les blancs sont vinifiés et élevés en barriques et les rouges fermentent en cuves avant de passer plusieurs mois en fûts.
A l’heure actuelle le domaine commercialise une gamme comprenant 2 vins blancs, 1 vin rosé et 3 vins rouges (et une cuvée blanche en BIB)
Le Canichet 2011 : la robe est claire et brillante, le nez est discret avec des
arômes de pulpe de raisin agrémenté d’une pointe un peu mentholée, la bouche simple mais bien équilibrée se caractérise par une jolie vivacité.
Issu d’un assemblage dominé par l’ugni blanc et conditionné en BIB ce vin n’a pas un potentiel de séduction irrésistible mais
révèle la finesse et la précision du travail de vinification…une entrée de gamme tout à fait honnête.
Piqueberle 2011 : la robe est saumon clair, le nez franc et flatteur révèle des notes
de bonbon anglais et de fraise, la bouche est bien vineuse avec un équilibre sec et une texture assez grasse, un fruité bien gourmand marque la finale.
« Piqueberle » est le nom donné aux habitants de Sanilhac, le village où se situent les vignes de grenache qui ont
produit ce rosé. Elevé en cuves sur lies et bâtonné régulièrement ce vin reste très guilleret à l’olfaction mais possède une profondeur et une densité peu courantes pour ce style de cuvée.
Plaisant mais déjà un peu gastronomique.
Imagin’aïre 2011 : après une attaque finement boisée, un fruité subtil se manifeste
pour composer une palette olfactive très élégante, en bouche la matière est dense, un joli gras donne un caractère très onctueux au toucher, la finale reste souple avec quelques amers nobles qui
marquent la minéralité du terroir de Faugères.
Cette parcelle de roussane a été plantée en 2008 par les vignerons sur un coteau du village avec un sol de grès très
décomposé…cette initiative qui leur a valu un sympathique quolibet de la part des habitants : les « imagin’aïre »ce qui signifie « rêveurs » ou « illuminés » en
occitan. Mais au bout du compte nous avons une cuvée 100% roussane, vinifiée et élevée 8 mois en pièces bourguignonnes ; sophistiquée mais terriblement gourmande elle porte avec beaucoup de
classe ce beau terroir d’altitude…MIAM !
La parcelle de roussane de Faugères.
Qué sa quo 2011 : le fruit est complexe et élégant au nez (abricot frais et fleurs),
la bouche est joliment aromatique avec une texture onctueuse et une finale bien nette qui laisse persister longuement un sillage marqué par la vanille et la violette.
Des viogniers âgés de 25 à 30 ans sont à l’origine de cette cuvée très bien construite : la balance entre les promesses du
nez et la réalité de la bouche est parfaitement équilibrée…ce qui est très rare sur les vins issus de ce cépage.
Je ne suis pas un grand adepte du viognier mais là j’avoue que je suis tombé sous le charme.
Mescladis 2010 : le nez est intense et flatteur sur la griotte, le chocolat (un peu
« Mon Chéri ») et les épices, la bouche est charnue mais bien fraîche avec une trame tannique fine et une finale de longueur moyenne mais bien définie sur le cassis et la
vanille.
Cette cuvée est un assemblage – « Mescladis » en occitan – de 70% de gamay et 30% de grenache, élevé de 8 à 10 mois en
fûts de chêne de 1 à 3 vins. Beaucoup de fruit, une chair savoureuse et un élevage parfaitement dosé…J’adore !
Trefol 2010 : le nez est très racé avec des notes de fruits noirs bien mûrs te
d’épices, en bouche l’attaque est assez pointue mais dès le milieu le vin pose sa matière concentrée et sa trame tannique souple et veloutée, la finale nette et très fraîche offre une persistance
aromatique longue sur la pêche de vigne et les épices.
Trefol signifie « trèfle » en occitan et fait référence aux trois cépages (55% de merlot, 25% de syrah et 20% de
grenache) qui entrent dans la composition de cette cuvée rouge élevée 13 mois en fûts de chêne. Goûté sur place, regouté le lendemain et le surlendemain…le verdict est sans appel : ce vin
est splendide !
Jeux Interdits 2010 : le nez est discret mais complexe avec une palette très
« noire » sur le cassis, la mûre, la réglisse et les épices, la bouche est absolument superbe de concentration, de distinction et d’équilibre, la finale est fraîche et laisse un sillage
aromatique très classe qui se prolonge longuement.
Issu d’une parcelle de syrah plantée à haute densité (10000 pieds/ha) sur un terroir
schisteux cette cuvée très haut de gamme est magique... La densité, l’équilibre, la qualité de l’élevage, la complexité aromatique…tous les éléments sont réunis pour mériter le titre de vin
d’exception. Bravo !
Trefol 2009 : le nez est assez discret, la bouche montre une belle concentration mais
sans chaleur excessive, la trame tannique est noble mais un peu resserrée en finale.
Trefol 2008 : après une pointe de réduction très fugace, le nez révèle une belle
palette sur les fruits mûrs et les herbes de garrigue, la bouche est bien posée avec un équilibre assez frais, des tanins présents mais avec un grain très fin et une finale qui revient sur les
notes d’herbes aromatiques.
La dégustation des premiers vins produits par ces jeunes vignerons témoigne d’une belle maîtrise technique avec des cuvées qui se
présentent à nous avec la marque du millésime et du terroir : le 2009 est encore un peu crispé et le 2008 commence à proposer une jolie complexité tant dans son aromatique et que dans sa
structure mais le leitmotiv équilibre-fraîcheur est évident sur les deux vins.
Chatus 2010 : le nez est complexe et gourmand avec un fruité discret et de belles
notes cacaotées, la bouche est volumineuse, concentrée avec des tannins puissants mais la finale est pleine de soie et de fraîcheur.
Le chatus est un cépage local, souvent utilisé pour concevoir des vins souvent plus pittoresques que gastronomiques. Avec cette
belle cuvée encore en cours d’élevage, qui surprend par sa chair dense et raffinée, on se rapproche davantage du monde des grands vins que de celui des gadgets pour touristes. Très
prometteur…
Sympathiques et accueillants, ces jeunes vignerons s’appuient sur une solide formation professionnelle effectuée notamment
dans les vignobles de la vallée du Rhône pour concevoir des vins qui donnent la pleine mesure de la qualité de ces terroirs d’altitude des montagnes ardèchoises. Dans une région où la politique
viticole est encore largement déterminée par les grosses unités de production (caves coopératives et grands négociants) et où la qualité d’une vigne s’évalue souvent par rapport à sa capacité à
produire de grandes quantités de raisin, Benoît Salel et Elise Renaud font figure d’exception.
Ils savent la valeur des terres qu’ils travaillent et ont pris le risque de miser sur une viticulture exigeante et
hautement qualitative pour créer de grands vins.
Dans ce petit coin de paradis, loin des sites touristiques de l’Ardèche, le pari est certes très osé mais je suis
convaincu que ces vignerons qui ne manquent ni de motivation ni de courage ont fait le bon choix et vont réussir à imposer leurs produits.
Leur gamme de vins que j’ai pu déguster sur place et dont j’ai regoûté une bonne partie lors de nos repas d’été dans notre
gîte de Grospierres est absolument irréprochable. Le style recherché sur les blancs ne correspond pas forcément à mon goût personnel qui m’emmène vers des vins plus droits et plus vifs, mais j’ai
beaucoup apprécié la précision et la finesse expressive de ces cuvées. En ce qui concerne les rouges, mon verdict est sans appel : avec les cuvées 2010, ce domaine a sorti les meilleurs vins
qu’il m’a été donné de boire dans la région jusqu’à aujourd’hui…tout simplement !
Au niveau des prix la gamme commence autour de 5 euros pour le rosé pour terminer un peu au-dessus de 20 euros pour
l’exceptionnelle syrah.
Lorsqu’on considère l’appellation, çà peut paraître cher, lorsqu’on se réfère à la qualité irréprochable de ces vins c’est
parfaitement justifié, avec une citation particulière pour Trefol 2010 qui à 11,50 euros est une super affaire.
Bravo et merci à ces vignerons enthousiastes, ce fut un réel plaisir de les rencontrer et de découvrir leurs
vins.
Faugères