JEAN-PHILIPPE BRET ET THIBAULT LIGIER-BELAIR AU RESTAURANT LA SOURCE DES SENS
Après déjà deux soirées tout à fait réussies dans cet hôtel-restaurant de Morsbronn, je n’ai pas hésité une seconde à m’inscrire
pour ce nouveau repas dégustation autour des vins de Bourgogne…c’est reparti direction l’Outre-Forêt !
L’entrée de la Source des Sens
Je ne présenterai plus François Machi, sommelier engagé et passionné par son travail, mais je constate avec grand
plaisir qu’il est parvenu à pérenniser l’organisation de rencontres gastronomico-viniques à la Source des Sens…et j’en suis ravi, bien évidemment !
Le binôme vigneron du soir est bourguignon : d’un côté nous avons le sud de l’appellation représenté par
Jean-Philippe Bret et d’un autre le nord représenté par Thibault Ligier-Belair. Jean-Philippe présentera des vins blancs provenant du domaine familial de la
Soufrandière à Vinzelles et de leur unité de négoce Bret Brothers. Thibault nous proposera des vins rouges des deux côtes, issus de la production de son domaine de Vosne-Romanée et de sa
structure de négoce.
En cuisine, le chef Pierre Weller relèvera le défi suivant : créer une suite de plats pouvant s’accorder
avec les deux couleurs à l’honneur ce soir…MIAM, ça promet !
La table est mise.
Les vins sont présentés par les vignerons puis dégustés bouteilles découvertes. Comme je l’ai annoncé plus haut, le principe adopté pour ce repas consiste à
associer un vin blanc et un vin rouge avec chaque plat…c’est parti !
Thibault et Jean-Philippe en grande discussion…
A l’apéritif : Espuma de homard, tartare de saumon et gaspacho pour agrémenter l’apéritif.
Pouilly-Vinzelles La Soufrandière 2010 : le nez est discret sur les fleurs blanches
et la craie avec de fines notes de brioche au beurre, en bouche l’attaque est incisive avec une acidité droite et profonde qui tend une matière très séveuse, la finale est longue et très
minérale.
Ce vin qui me semble-t-il s’est un peu crispé depuis cet automne révèle une matière puissante et pure qui doit encore un peu
s’harmoniser. Il n’en reste pas moins que cette cuvée qui se déguste avec plaisir ce soir, mérite largement son statut de valeur sûre du domaine de la Soufrandière.
Seul face à trois verrines, ce vin répond avec beaucoup d’aplomb : tranchant avec facilité sur le gaspacho, il résiste plus
difficilement face aux saveurs corsées du tartare de saumon mais réalise un accord naturel presque parfait avec l’espuma de homard.
Pour accompagner le Foie gras poêlé sur compote de rhubarbe au miel, tuile sésame-pavot :
Viré-Clessé La Verchère 2009 : le nez est épanoui et bien expressif sur l’ananas
frais et la craie, en bouche l’attaque est vive et la structure acide plus large que profonde s’associe avec une matière riche pour créer un équilibre très gourmand, la finale se prolonge sur une
minéralité qui surprend par sa puissance.
Vosne Romanée Aux Réas 2006 : le nez est délicat avec des notes de ronce, de baie de
cassis, de pierre chaude et de fumée, la bouche est très ciselée avec une matière équilibrée qui allie douceur au toucher et pointe minérale pour finir sur une belle sensation de
fraîcheur.
Issu d’un terroir argilo-calcaire exposé au levant et d’un millésime particulièrement généreux le Viré-Clessé se montre riche et
juteux à souhait et répond ton sur ton à cette association foie gras et fruit…ceci dit, face à l’acidité très pointue de la rhubarbe on aurait aussi pu essayer un vin de
2010.
Le Vosne 2006 provenant de la parcelle très calcaire des Réas commence sa phase de maturité bien épanouie avec une belle
définition aromatique et une présence très voluptueuse en bouche. La matière de ce vin rouge enrobe le plat pour établir une cohabitation très paisible sans pourtant créer une véritable
synergie…Etonnant tout de même !
Pour accompagner le Filet de rouget aux asperges, mousseline au safran et beurre d’anchois :
Pouilly-Vinzelles Les Quarts 2008 : le nez est encore tout en retenue sur le miel
avec une touche florale très séduisante, la bouche est équilibrée avec une acidité mûre, profonde et déjà bien intégrée dans une matière très charnue, la finale est longue et joliment
aromatique.
Corton Renardes 2007 : le nez s’ouvre su des notes torréfiées avant de livrer de
beaux arômes de fruits rouges bien mûrs, en bouche c’est un pur bonheur, une rondeur très gourmande, un toucher soyeux, un très beau volume et une touche de fraîcheur en finale...que demander de
plus !
Les vieilles vignes des Quarts, ce coteau prestigieux de Vinzelles riche en oxyde de fer, ont généré un cru de très haute tenue
qui commence à peine à s’ouvrir aujourd’hui, la matière est noble et équilibrée mais l’aromatique reste encore très timide. L’accord avec le rouget est superbe : les deux éléments se
conjuguent pour créer une belle harmonie. Lorsqu’on rajoute le beurre d’anchois le vin est hélas écrasé (en plus, je n’aime vraiment pas l’anchois…)
Malgré un style caressant très « nuitton » le Corton montre sa puissance en passant facilement sur les goûts très forts
de ce plat pour réaliser un accord osé mais étonnamment gastronomique.
Pour accompagner la Fricassée de sot-l’y-laisse, gésiers et magrets fumés, réduction au vinaigre de framboise, caneloni aux fèves :
Macon-Cruzille 2002 : le nez pur et précis s’ouvre sur des notes de citron et de pierre chaude
avant de révéler une palette un peu plus « pâtissière » sur la tarte au citron, en bouche l’attaque est pointue, le milieu développe une matière assez riche avec un gras sensible et la
finale se montre particulièrement minérale.
Nuits Saint Georges 1° Cru Les Saint Georges 2004 : le nez se montre un peu rétif à
l’ouverture, avant de composer une discrète palette fuitée, hélas un peu marquée par ce fond végétal caractéristique du millésime, la bouche se montre plus agréable avec un volume moins imposant
que celui du vin précédent mais avec une belle texture et une finale nette et fraîche.
Issu d’une vieille vigne travaillée en bio depuis 1954 dont les fruits murissent très tardivement (vendangée en moyenne 15 jours après les
autres parcelles du domaine), le Mâcon est d’une insolente jeunesse et arrive à réagir très harmonieusement sur le plat, même si la force épicée de la sauce se montre un peu écrasante en
finale.
Malgré sa noble origine le Nuits porte la signature du millésime en filigrane mais le mariage avec le plat gomme ce petit défaut pour créer une
très belle synergie gustative…le vin sort vraiment grandi de la rencontre avec le plat !
Pour accompagner la Tomate farcie au chèvre frais :
Pouilly-Loché La Colonge 2007 : le nez est discret et très fin avec des notes
biscuitées sur un fond très citronné, la bouche montre un beau volume et un gras confortable avant de se tendre pour structurer un finale très riche en évocations minérales (silex, pierre à
feu).
Moulin à Vent La Roche 2010 : le nez est net mais relativement discret même si on y
décèle une palette bien complexe sur la framboise et les fleurs (mauve, violette), en bouche on sent une belle puissance équilibrée par une touche acidulée et une minéralité qui s’impose peu à
peu en rendant la finale assez pointue.
Proposé à l’aveugle le Moulin à Vent n’a pas gardé son mystère très longtemps, le côté acidulé du gamay a rapidement trahi
l’origine et la tension en bouche signe le millésime…mais après, j’ai plutôt cherché du côté de Morgon, puisque ce vin me rappelait assez le style des cuvées haut de gamme de J.M.
Burgaud.
Produit sur les sols argileux et limoneux de cette toute petite appellation (30 ha en tout et pour tout…) le Pouilly Loché 2007
commence sa phase de plénitude en assumant sa belle minéralité.
Avec le plat, il ne se passe pas grand-chose, ni pour le blanc, ni pour le rouge : pas de conflit, mais pas d’harmonie non
plus…les protagonistes s’ignorent tout simplement.
Pour accompagner l’Entremet au chocolat et sa pulpe exotique :
Vosne-Romanée 1° Cru Les Petits Monts 2005 : le nez est plein de mystère avec une
première impression grillée, torréfiée (café, cacao) qui laisse peu à peu la place à une palette dominée par des évocations très minérales (terre mouillée, pierre à feu) et quelques notes de
griotte, en bouche la structure est très élégante avec un texture charnue et une finale nette et fraîche où on retrouve un sillage aromatique très cacaoté.
Cette parcelle située juste au dessus du Grand Cru Richebourg offre à Thibaut la possibilité de concevoir une cuvée d’exception à
partir d’une vendange entière vinifiée sans aucun intrant. Ce vin n’est pas destiné à la vente : il séjourne en fût depuis le début et n’est mis en bouteille que pour être
dégusté.
C’est une cuvée avec une minéralité stupéfiante…comme de l’extrait de terroir bourguignon.
Le dessert donne plus d’ampleur aux notes fruitées perçues au nez, en bouche le premier contact est difficile mais l’harmonie se
construit doucement avec le cacao comme élément fédérateur.
Pouilly-Vinzelles X-Mur 2007 : le nez est expressif et épanoui sur la banane,
l’acacia, le coing et le miel, la bouche est dotée d’une matière riche et puissamment aromatique, équilibrée par un léger perlant, l’ensemble est moelleux mais reste léger et digeste.
Côté cuvées originales, le domaine de la Soufrandière n’est pas en reste, cette bouteille de Pouilly-Vinzelles très opulente et
légèrement perlante est une sorte de dessert à elle toute seule.
Même si le mariage sur les saveurs de la pulpe exotique est évident, ce vin blanc très original se rend sans combattre face aux
puissants arômes chocolatés de l’entremet.
Pour conclure :
- Ce nouveau dîner œnologique à la Source des Sens, où nous avons pu découvrir le potentiel gastronomique des vins
provenant de deux beaux domaines bourguignons, fut une totale réussite et nous a permis de passer un beau moment de convivialité et de plaisir gustatif. Mille mercis à ceux qui ont préparé et
animé cette soirée : le chef Pierre Weller, son sommelier François Machi et les deux vignerons Thibault Ligier-Belair et Jean-Philippe Bret.
- Le défi qui consistait à marier un vin rouge et un vin blanc sur un même plat a été brillamment relevé et les
associations gastronomiques parfois très osées ont toutes bien fonctionné. Les vins de la Soufrandière ont montré une grande aisance dans le dialogue avec les plats les plus divers…ceci dit, en
tant qu’alsacien je dois avouer que la polyvalence des blancs à table ne me surprend plus trop aujourd’hui.
Avec les vins rouges ce fut plus étonnant, mais tout aussi réussi : le Vosne sur le foie gras et surtout le Corton
sur le plat autour du rouget ont généré des harmonies gustatives d’une grande beauté…là j’ai senti comme une invitation à partir vers des univers gastronomiques que je n’ai encore que très peu
explorés.
- Pour les coups de cœur viniques je choisirai évidemment le Corton Renardes 2007 simplement magnifique et les Quarts
2008, un vin encore un peu secret mais plein de noblesse et de distinction.
J’aimerai aussi relever les belle émotions ressenties face à la tenue du Mâcon-Cruzille après dix années de garde et
surtout face à la confondante minéralité du Vosne Les Petits Monts…un grand merci aux vignerons pour ces deux cadeaux !