Dans ce livre solidement documenté et richement illustré, l’historien Claude Muller nous raconte l’Alsace viticole du VIII° siècle à nos jours.
Sur une période qui dépasse largement le millénaire, l’auteur étudie comment le vignoble a évolué en suivant une progression chronologique des temps médiévaux
jusqu’à l’époque contemporaine.
Le contenu et les références témoignent de la grande érudition de l’auteur : le texte est dense, riche et souvent un peu ardu…ça reste un livre d’histoire, ne
l’oublions pas !
Claude Muller nous montre notamment combien la géopolitique a pesé sur l’évolution de la viticulture alsacienne : il nous explique comment et à quels niveaux
le yoyo de l’Alsace entre France et Allemagne a influé sur le développement du vignoble. L’étude des circuits commerciaux du vin d’Alsace apporte une preuve chiffrée de ce lien : les
fluctuations de la demande s’expliquent presque toujours par des changements politiques.
Cette remontée dans le temps nous permet également de constater que jusqu’au milieu du XX° siècle le métier de vigneron était d’une extrême difficulté : face
aux aléas de la nature (météo, maladies et ravageurs de tous genres), il n’était pas rare de ne dénombrer que 2 à 3 bons millésimes par décennie…en n’oubliant pas que la notion de « bon
millésime » n’avait pas le même sens que de nos jours : lorsque la vendange était assez abondante et le vin buvable, c’était une très bonne année.
Enfin, ce récit nous permet de suivre pas à pas l’avancée des recherches viticoles et œnologiques à travers l’histoire. On apprend que jusqu’après la seconde guerre
mondiale le nombre de cépages utilisés en Alsace était bien supérieur à celui défini par l’INAO aujourd’hui : la grande variété des terroirs alsaciens a toujours obligé les vignerons à
tester une multitude de plants de vigne avant de trouver celui qui leur permettra de réaliser le meilleur vin. On assiste aussi aux balbutiements de l’œnologie à travers la description de
pratiques parfois complètement fantaisistes : on nous explique comment faire du rouge avec du blanc à l’aide de myrtilles et d’épices, comment récupérer un vin aqueux avec des jaunes d’œuf,
de la farine et de la tuile broyée…c’est assez croustillant !
Bref, voilà un livre touffu mais passionnant, tout à fait indispensable pour qui veut améliorer sa compréhension de l’Alsace et de ses vins.
Je regrette juste l’absence d’index détaillé à la fin du livre : voilà un outil qui aurait permis de rendre cet ouvrage plus facile à utiliser et à réutiliser,
en offrant au lecteur un petit guidage assisté dans ce contenu foisonnant d’informations.