La traditionnelle soirée de dégustation associant des fromages et des vins d’Alsace organisée dans le caveau du domaine Bechtold a
permis à une trentaine de convives de vérifier que les vins d’Alsace pouvaient accompagner avec bonheur les effluves souvent puissantes d’une assiette composée par les maîtres fromagers de la
maison Tourrette à Strasbourg.
La série d’assiettes est prête…
Le couple Bechtold anime la dégustation, madame présente les fromages et monsieur nous parle de ses vins, l’ambiance est chaleureuse et conviviale…voilà une soirée
qui s’annonce bien…
Les premiers convives bien calmes…mais ça ne durera pas !!!
Pour l’apéritif :
Crémant Brut : le nez est fin et aérien, on y décèle des arômes de froment, de fleurs et de
verveine, la bouche est vineuse avec une bulle très fine qui rafraîchit l’ensemble, la finale est sapide avec de beaux amers.
L’assemblage est resté la même que pour la cuvée de l’année passé (chardonnay et pinot noir de 2009) mais le dosage est plus faible…on s’approche de l’extra-brut mais comme la matière première est bien mûre, l’équilibre reste très gourmand.
Gewurztraminer Silberberg 2010 : le nez est expressif mais très délicat sur un registre floral (violette, guimauve) et légèrement exotique, la bouche séduit par son développement aromatique qui s’intensifie progressivement et son équilibre tonique tenu par une acidité large, la finale est très salivante avec une pointe poivrée caractéristique.
Avec sa richesse olfactive et sa grande sapidité en bouche ce gewurztraminer issu du coteau argilo-calcaire du Silberberg, flatte
les sens sans les surmener...Superbe réussite !
Pour la ronde fromagère :
La ronde 2012 toujours aussi appétissante…
Klevner 2010 : le nez est fin et discret avec des notes de céréales et de fleurs, l’équilibre
en bouche est sec et droit mais avec un joli gras, la finale est bien nette mais assez courte.
Ce pinot blanc simple, convivial et très joliment balancé s’est montré très à son aise avec la Rouelle Cendrée
qui a mis en valeur le côté floral et guilleret de ce vin, mais aussi avec le Poitevin Marbré assez doux pour s’harmoniser avec sa touche de gras, par contre, sur le
Brebidin Fermier plus puissant au niveau gustatif, l’accord a moins bien fonctionné laissant un goût animal peu avenant au palais.
Riesling Grand Cru Engelberg 2009 : le nez commence à s’ouvrir en livrant de belles effluves florales sur un fond très pierreux, en bouche l’équilibre est sec mais la matière dense et concentrée donne une belle impression de plénitude, la minéralité déjà bien présente au nez s’impose complètement en finale.
Ce riesling riche et gourmand qui possède néanmoins un équilibre bien sec (5g de SR) se goûte aujourd’hui avec facilité et
plaisir. En le confrontant à des fromages fortement typés comme ce Langres ou ce Soumaintrain fermier, les Bechtold ne lui ont pas forcément facilité la tâche
mais le vin s’en est plutôt bien tiré : face au premier fromage le riesling tient bon avant de se faire dominer en finale mais sur les second l’harmonie est au
rendez-vous…MIAM !
Avec le même vin issu du millésime 2010 (pas encore en vente actuellement), l’accord est bien plus évident : la matière
concentrée et la puissante acidité de ce vin résonnent parfaitement face à ces deux fromages très expressifs.
Pinot Noir Obere Hund 2009 : le nez est très agréable et d’une jolie complexité, fruits noirs, bois de réglisse, un peu de fumée et une touche d’humus, la bouche est dense avec beaucoup de chair et des tanins veloutés, la finale possède une belle allonge sur un registre fruité.
Ce pinot noir mûr et complexe tient avec une grande aisance face à ce Camembert au lait cru moulé main à la personnalité très
rustique…étonnant !
Ceci dit, malgré cet accord très réussi, j’aurai vraiment bien vu le crémant de l’apéritif face à ce fromage...l’année prochaine
peut-être ?
Pinot Gris Grand Cru Engelberg 2007 : le nez est atypique mais terriblement séduisant avec des notes de fruits blancs (golden), de vanille et une discrète touche fumée, en bouche la texture est résolument bourguignonne avec un gras très noble, un équilibre bien sec et une longueur aromatique conséquente.
On est un peu loin de l’Alsace mais ce grand cru élevé longuement en barriques m’a particulièrement séduit ce soir…pour moi ce
type d’élevage est tout à fait approprié à ce cépage. A côté des pinots gris traditionnels dont la plus grande partie me laisse de marbre avec leur côté doucereux et passe-partout, ce vin sort
des canons esthétiques alsaciens mais possède une vraie personnalité…en plus, il réalise un accord majeur avec l’Etivaz d’Alpage comme avec le Salers Buron, deux
fromages montagnards qui ne se laissent pas impressionner facilement. Superbe !!!
Gewurztraminer Grand Cru Engelberg 2009 : le nez est d’une discrétion surprenante
mais avec une palette originale et complexe sur les herbes aromatiques et les épices douces, la bouches est ample et généreuse mais la minéralité puissante de l’Engelberg se livre pleinement en
finale pour redonner à l’ensemble un équilibre très digeste.
Face à un Livarot fermier, ce gewurztraminer éminemment complexe joue sur le registre du contraste en opposant la
finesse de ses arômes et de sa structure à la virilité très rurale du fromage, hélas, comme l’année passée le Vieux Lille très affiné et un peu trop salé n’a laissé aucune chance
au vin…victoire par KO à la première bouchée !
Riesling Sussenberg 2003 : le nez est mûr et très complexe sur les agrumes confits et
la cannelle, complétés par une touche vanillée et rafraîchis par une fine pointe mentholée, la bouche est charnue, large et opulente, la finale revient sur une belle fraîcheur avec une acidité
fine et quelques notes pierreuses.
Avant de parler accord, il faut dire que ce vin absolument magnifique se suffit à lui-même et ne sera jamais aussi bien mis en
valeur que seul sur une table…ceci dit, il entre parfaitement en résonance avec la Fourme d’Ambert et l’association avec le puissant Roquefort artisanal génère
au palais un troisième goût de toute beauté sur les fruits secs.
Pinot Gris Silberberg SGN 2007 : le nez est expressif et très épanoui sur la mangue,
l’abricot et un soupçon de vanille, en bouche la matière est riche, la texture caressante mais une touche acidulée et minérale apporte un côté bien frais à la finale.
Prévu pour accompagner quelques mignardises ce vin est un dessert à lui tout seul : richement aromatique et d’une grande
suavité en bouche cette SGN assume son côté moelleux (180 g de SR) mais se montre très tonique en finale…MIAM !
Pour conclure :
- A l’heure où l’association systématique de vin rouge sur un plateau de fromage est assez généralement reconnue comme une
ineptie gastronomique, les vins blancs d’Alsace ont une exceptionnelle carte à jouer du fait de leur grande diversité : leurs palettes gustatives très variées et leurs équilibres multiples
permettent à tous les fins-becs de tenter un nombre considérable de combinaisons.
Avec des accords classiques ton sur ton ou mariages plus téméraires basés sur des contrastes, Jean-Marie Bechtold et les
siens nous ont prouvé qu’il y avait moyen de se faire vraiment plaisir avec un plateau de fromages soigneusement composé et quelques superbes quilles alsaciennes.
- Comme l’année passée le couple formé par le pinot gris 2007 et l’Etivaz fut la plus belle association de la soirée, même
si le vin proposé n’avait pas grand-chose en commun avec celui de 2011…à croire que c’est le cépage qui aime particulièrement ce fromage !
La synergie entre un riesling légèrement moelleux et le Roquefort qui m’avait surpris lors de la précédente édition, s’est
encore montrée parfaite ce soir…ce deuxième essai est une confirmation, un riesling surmûri et bien né n’a pas peur des fromages très forts en goût.
- Les vins du domaine Bechtold ont montré une très belle homogénéité qualitative mais avec des profils extrêmement
diversifiés : cépages et millésimes s’expriment sur chaque cuvée avec pureté et authenticité…chaque bouteille débouchée est une nouvelle découverte avec au bout (presque) toujours une très
bonne surprise !
- Merci à tous les organisateurs pour cette soirée instructive et conviviale.