Contrairement à l’année passée c’est sous la canicule de fin août que nous nous retrouvons à faire notre traditionnel périple bourguignon avant de penser à la rentrée scolaire. Avec Martial qui m’accompagne pour la 3° année consécutive et deux « jeunots » du club AOC désireux de vivre quelques émotions oenophiliques in-situ, nous partons pour 2 jours de visites à la recherche de bons vins et de caves fraîches.
Jour 2 : Morey et ses grands crus – Santenay et ses premiers crus.
Domaine Castagnier à Morey-Saint-Denis
Après une soirée très réussie avec un repas superbe à l’Ouillette, un restaurant hautement recommandable à Santenay (plats
raffinés, carte de vins où les bons crus locaux abondent et rapport Q/P exceptionnel) et une nuit tranquille du côté de Meursault nous voilà « on the road again » pour notre
avant-dernière étape à Morey Saint Denis, chez Jérôme Castagnier.
Depuis ma première visite, le passage chez ce vigneron s’est imposé comme une étape incontournable : des terroirs
exceptionnels, de grands vins et un hôte dont la générosité et le sens de l’accueil étonnent à chaque fois…une bénédiction pour tout œnophile !
Comme d’habitude, nous commençons cette belle séquence de dégustation par quelques vins en bouteilles :
Aligoté 2008 : le nez est discret mais avec une minéralité très présente (notes de craie), la
bouche est élégante et légère avec une structure droite et une finale fraîche et toujours bien minérale.
Ce vin simple mais très pur montre qu’on peut se faire plaisir avec un « petit » cépage comme l’aligoté, pour peu qu’on
trouve un vigneron qui le traite avec autant d’égard qu’un cru plus réputé (je sais, je radote…).
Bourgogne Grand Ordinaire Rosé 2008 : le nez très aérien s’ouvre sur un registre floral pour
évoluer vers des notes d’agrumes (pomelo), la bouche est fringante avec un équilibre juvénile et une finale bien fraîche bien marquée par les agrumes.
Toujours aussi surprenant, ce rosé léger et gourmand n’est vinifié que si le goût des raisins est conforme aux attentes du
vigneron : « sur cette parcelle de pinot noir près du domaine où nous produisons nos cuvées génériques de bourgogne, je ne fais du rosé que si je trouve des arômes d’agrumes dans les
raisins »…il n’y aura d’ailleurs pas de rosé 2010 ni de 2011. A bon entendeur…
Jérôme Castagnier qui présente son travail et sa conception du vin…un exercice qu’il maîtrise avec brio.
Notre visite se poursuit dans le chai où Jérôme Castagnier nous propose de goûter des échantillons du millésime 2010: les vins sont finis et séjournent encore en barriques.
Les vins de 2010, dans la cave nettement moins remplie que l’année passée…
Chambolle Musigny : le nez s’ouvre sur des notes légèrement torréfiées avant de se remplir de
fruits rouges, la bouche est très élégante et propose une farandole d’arômes (bigarreau, framboise, noyau de cerise) qui se prolongent de façon très gourmande.
Une parcelle de vieilles vignes, (plantée en 1934…donc presque octogénaire) a produit cette année un Chambolle fin et racé…après
2009 et sa structure plus charpentée, revoilà une expression plus archétypique de ce beau terroir.
Gevrey Chambertin : le nez révèle d’abord des notes de poudre à canon et de pierre à feu, peu
à peu de beaux arômes de cassis font leur apparition, la bouche est ample, très profonde, la finale revient sur les fruits noirs avec une petite touche réglissée.
Comme les années précédentes ce Gevrey joue les séducteurs…mais sa présence en bouche ne trompe pas, le 2010 sera un beau vin de
garde.
Morey Saint Denis : le nez est assez réservé sur un registre fruité mais avec des notes bien
minérales en fond, la bouche est ample, l’équilibre gourmand et la finale très longue revient de façon plus explicite sur le fruit et la minéralité.
Issu d’une parcelle extrêmement bien placée « juste en dessous des vignes de Charmes Chambertin », ce Morey est déjà
profondément marqué par le terroir…pas étonnant lorsqu’on connaît son illustre voisin.
Charmes Chambertin : à l’ouverture, le nez se montre assez discret et proche de celui du
Morey, par la suite des arômes très précis de cerise burlat envahissent le verre, en bouche l’attaque est bien vive mais très vite la matière se fait ronde et caressante avec toujours ces notes
de cerise mûre, la finale revient sur plus de finesse et de minéralité.
Pur, précis, ample et profond mais déjà terriblement séduisant…un Charme irrésistible !
Clos Saint Denis : le nez est bien ouvert sur les fruits rouges et la prune, en bouche
l’attaque est souple mais le volume est conséquent avec une trame tannique fine et soyeuse qui structure l’ensemble, la finale très longue révèle une belle minéralité mais aussi de délicieuses
notes de pêche de vigne.
Ce Grand Cru petit par sa surface et exploité principalement par des vignerons indépendants reste toujours un peu dans l’ombre de
ses prestigieux voisins. Chez Jérôme Castagnier cette bouteille s’impose millésime après millésime comme un modèle d’élégance et de raffinement.
Clos de la Roche : le nez marqué par des notes torréfiées à l’ouverture se développe sur un
registre discret mais très minéral (pierre chaude, silex), la bouche est virile et corsée avec une trame tannique riche et une longue finale où se manifestent de beaux arômes de pêche de vigne et
de poivre blanc.
Ce Grand Cru est un vrai concentré de minéralité…2010 est un millésime qui apporte une explication par les papilles du sens de
l’appellation Clos de la Roche. Superbe !
La paire de grands crus de Morey version 2009
Clos de Vougeot : le nez est déjà très charmeur avec un bouquet joliment floral et un fond
bien minéral, la bouche est dense et charnue soutenue par une acidité longue et noble et une trame tannique veloutée, la finale possède une persistance aromatique de toute beauté.
Jérôme Castagnier travaille une parcelle dans le haut du Clos, dans le secteur du Grand Maupertuis. Entouré de noms prestigieux de
la Côte, il s’applique à tirer chaque année la quintessence de ce terroir historique…en 2010 ce fût « Mission accomplie », bravo !
Pour terminer ce tour de cave toujours aussi passionnant, nous revenons vers notre point de départ où nous attendent 2 bouteilles
mystère :
Le premier se montre ouvert sur des fruits rouges bien croquants, la bouche est pleine de charme et de gourmandise avec une finale fraîche et sapide…n’étant plus à
une bêtise près chez Jérôme Castagnier (cf ma visite de l’an passé) je me lance « Chambolle ? »
Bien entendu, je viens encore de dire une énormité…mais notre hôte a l’air ravi (et on le comprend) car la première bouteille mystère est un
« simple » Bourgogne Grand Ordinaire 2009.
Qui aurait pu dire qu’après cette série de grands vins on pouvait encore être étonné ? Malgré son nom vraiment « peu
vendeur » ce vin est tellement bluffant qu’il arrive presque à me faire oublier l’humiliation que je lui dois. RRRRR !
Le rapport Q/P exceptionnel du domaine…et une nouvelle humiliation pour votre serviteur !
Le deuxième flacon anonyme se montre tout aussi délicieusement fruité que le précédent avec une structure longiligne très élégante et une très belle présence en
finale. Là, je n’ai même pas le courage de vous révéler le nom du cru que j’ai pensé avoir reconnu…mais sachez que si j’avais un peu d’amour propre, la honte subie aurait du me pousser à arrêter
définitivement mon activité de chroniqueur vinique amateur, car ce n’était qu’un Bourgogne Passetougrain 2009.
Vendue à 4euros50 (comme le BGO d’ailleurs), cette bouteille d’entrée de gamme est aussi troublante que la précédente. Il va sans
dire que le rapport Q/P de ces 2 références est absolument hallucinant !
Jérôme Castagnier a réussi un millésime 2010 dont on reparlera certainement : avec des rendements très bas (40 hl/ha
en moyenne toutes appellations confondues) dus aux effets conjugués des gelées de décembre, des pluies lors de la floraison et du millerandage, mais une vendange d’une qualité remarquable, il a
pu produire des cuvées splendides sur la plupart des appellations. « Selon les parcelles, j’ai perdu entre 30 et 100% de la récolte mais les raisins que j’ai rentrés étaient de toute beauté,
sains et mûrs avec un degré naturel élevé qui a évité la nécessité de chaptaliser ».
Les cuvées dégustées en cours d’élevage étaient déjà fort bien dessinées avec un marquage du terroir encore plus évident
que sur le millésime précédent. Sur 2009 la finesse de l’origine était parfois masquée par des matières très puissantes alors qu’avec ce nouveau millésime on commence déjà à ressentir la
subtilité des terroirs bourguignons au fond du verre.
Je crains que, bien qu’ils le méritent amplement, les crus de 2010 seront très difficiles à
garder…
Hélas, avec des prix maintenus volontairement à un niveau plus que raisonnable, les bouteilles de Jérôme Castagnier se
vendent très facilement et les stocks sont rapidement épuisés sur la plupart des appellations : en cette fin août, il n’y avait plus aucun cru de 2009 à vendre et 4 références de 2010
étaient déjà épuisées…OUCH !
Moralité : réservation obligatoire si on veut avoir une chance de mettre l’un ou l’autre flacon du domaine dans sa
cave.
Il est évident que Jérôme Castagnier se plaît dans son rôle de vigneron mais lorsqu’on a la chance de le découvrir dans sa
cave en train de présenter ses vins et son travail à des clients, on voit bien que l’artiste n’est jamais très loin…voilà certainement un spectacle à ne pas rater du côté de Morey Saint
Denis !