A quelques jours de Noël Thierry Meyer a invité les membres de son club à un dîner au restaurant « La Cuiller à Pot » à Strasbourg pour une symphonie d’accords gastronomiques autour du vin d’Alsace.
Muscat Herrenweg 2002 – Zind-Humbrecht : au nez, les arômes finement musqués évoluent rapidement vers des nuances mentholées, la bouche est fraîche, acidulée et marquée par des notes de pierre à fusil, la finale révèle une délicate amertume. (13°2 – 4 g de SR)
Muscat Herrenweg 2001 – Zind-Humbrecht : au nez, d’élégantes notes fleuries précèdent des nuances fruitées très pures (agrumes mûrs), la bouche possède un équilibre gourmand et une belle longueur (12°8 – 9 g de SR)
Muscat Herrenweg 2000 – Zind-Humbrecht : la robe est d’un jaune profond, le nez est discret avec des arômes de raisin sec, complétées par des notes légèrement épicées, la bouche est surprenante car le vin est sec avec du gras et de l’acidité qui construisent une structure puissante. La finale est très longue. (14°7 – O g de SR)
Ces trois vins issus de ce terroir de graves drainantes sur 3 millésimes successifs révèlent des personnalités complètement différentes. Une expérience gustative constructive pour comprendre le poids de l’influence du millésime sur une cuvée, même si je n’ai pas été complètement séduit par la nature de ces muscats, trop sérieux à mon goût…
L’association avec la « Langoustine à la citronnelle Thaï » a fonctionné parfaitement sur le 2001… mais j’y aurais bien confronté la pétulance d’un riesling Sommerberg de l’Oriel (le premier qui me traite d’obsédé va m’entendre…)
Roussette de Savoie Marestel 2005 – Dupasquier : le nez très pur et plein d’élégance est dominé par des arômes de miel, la bouche est ronde, glissante et digeste, la finale est longue et fraîche.
Auxerrois H 2005 – Josmeyer : le nez assez peu engageant avec des notes pierreuses et un peu réduites, la bouche est assez stricte avec une minéralité puissante et une finale longue et droite.
Clos du Zahnacker 2005 – Cave de Ribeauvillé : le nez possède un registre floral très fin, en bouche le vin gagne en complexité, l’équilibre est gourmand et la persistance aromatique finale est longue.
Sur cette triplette 2005 dégustée à l’aveugle, c’est le magnifique intrus savoyard qui gagne la partie face à un auxerrois H trop austère (voire avec un petit défaut au nez…) et un Zahnacker un peu dominé par les marqueurs du gewurztraminer.
L’accord avec les « Saint Jacques snackées sur polenta » fonctionne parfaitement avec le Marestel (synergie sur la douceur) mais aussi avec l’auxerrois H qui par sa texture en bouche joue sur le contraste et la complémentarité avec le plat.
Riesling Cuvée Altenberg 1976 – Lorentz : le nez est d’une complexité inouïe, les notes de torréfaction, de pain d’épices, de tabac blond ouvrent le festival avant de laisser place à de fines nuances florales (lavande), l’attaque en bouche est très vive, le vin envahit le palais avec une structure acide mûre et profonde, la belle salinité finale marque la belle origine de ce cru.
Pinot Gris Réserve Personnelle 2000 – Trimbach : le nez est discret, somme toute peu engageant mais la bouche est remarquable par l’équilibre de sa structure, un vin sec mais rond et une grande longueur finale.
Pinot Gris Réserve Personnelle 1990 – Kuentz-Bas : le nez pur et fin livre des notes de fruits blancs (poire, coing frais…), la bouche est légère, aérienne, avec une longueur moyenne mais un équilibre parfait.
Des pinots gris d’âge vénérable avec des équilibres irréprochables et un riesling grandiose sur un terroir futur grand cru et sur un millésime solaire (l’année de mon BAC…comme c’est loin déjà… je suis vieux… vite un coup à boire, avant que je ne déprime !), un cadeau royal ajouté in-extrémis par Thierry… Mille mercis, Maître !
Les pinots gris sont restés dans l’ombre de ce géant mais se sont révélés comme de délicieux compagnons de table : l’accord avec « la queue de lotte rôtie au beurre salé et sa mousse de céleri aux girolles » à pleinement fonctionné. Le riesling s’est senti à l’aise en compagnie de ce plat raffiné mais je pense qu’un vin aussi exceptionnel se savoure sans accompagnement, l’univers de ce riesling mérite d’être découvert sans intermédiaire…
Gewurztraminer Sonnenglanz 1967 – Bott-Geyl : un nez riche et follement distingué avec des arômes pénétrants de rose fanée et de menthe poivrée, la bouche est équilibrée, sans lourdeur avec une profondeur rare.
Traminer Grande Réserve 1961 – L. Beyer : le nez est original et complexe avec des notes de torréfaction auxquelles répondent d’élégants arômes végétaux (houblon, menthe fraîche), l’équilibre en bouche est parfait, la finale est longue, finement fumée et torréfiée.
Un Sonnenglanz 67 qui pousse à la méditation et le Traminer 61 (provenant de l’Eichberg) qui laisse sans voix… deux grands vins d’Alsace de plus de 40 ans pour prouver une nouvelle fois le potentiel de longévité des crus de notre région… une rencontre unique et magique !
Sur le « munster affiné » le Sonnenglanz a su opposer sa distinction à la rusticité de ce fromage fermier, avec le « vieux comté » le Traminer a réalisé un accord simplement divin, une belle alternative alsacienne au vin jaune.
Pinot Gris G.C. Sommerberg VT 2005 – A. Boxler : le nez est complexe et profond avec des arômes de fruits exotiques et quelques notes briochées, la bouche possède une puissance hors du commun avec une acidité large et un fruit concentré qui envahit le palais, la persistance est superlative.
Pinot Gris G.C. Furstentum SGN 1995 – P. Blanck : le nez livre des arômes suaves de raisin de Corinthe avec de légères évocations de fumée et de truffe blanche, la bouche grasse et délicatement acidulée offre une palette bien complexe avec des notes finement iodées.
Deux vins au moelleux délicieusement équilibré qui tiennent parfaitement leur rang de bouquet final de ce feu d’artifice gustatif…
Les arômes du « croustillant de fruits exotiques » sont parfaitement en phase avec les 2 vins Sommerberg pour le registre fruité et le Furstentum pour les notes caramélisés…dans ce cas on ne choisit pas, on savoure pleinement les deux !
Que dire de plus après une telle soirée ?
Signalons d’abord, la belle initiative du restaurant « La cuiller à pot » à Strasbourg, qui, chaque jeudi, offre à leurs clients la possibilité d’apporter leurs vins pour accompagner les plats proposés à la carte (sans facturer un droit de bouchon).
Enfin, pour changer, tirons une nouvelle fois un énorme coup de chapeau à Thierry, notre sympathique gourou, dont l’enthousiasme, la compétence et le sens du partage forcent l'admiration.
Merci mille fois pour ce beau moment ce convivialité.