Cette quatrième réunion 2013 de notre club A.O.C. nous emmène au pays du Muscadet, un vignoble vraiment mal connu en Alsace, et
dans le Haut-Médoc, une région que nous ne visitons que très rarement aux cours de nos sessions de dégustation.
Ce soir, ces deux négligences vont être réparées et les 13 convives sont invités à se régaler (ou non) avec deux belles séries de
bouteilles choisies pour illustrer les thèmes suivants :
1. Les grands muscadets de terroir
2. Les crus du Haut-Médoc face au temps.
La série de muscadets a été proposée par François qui a profité de rencontres viniques à l’occasion de ses voyages professionnels
pour dégoter une belle collection de quilles (13 références quand même !) provenant de quelques domaines en vue du vignoble nantais.
La petite série de rouges d’appellation Haut-Médoc a bien évidemment été composée par Paul, l’un de nos deux
« englishmen »...retour aux sources historiques oblige !
Une cartouchière bien garnie en début de réunion
Les vins blancs ont été débouchés juste avant la dégustation et servis 2 par 2 à l’aveugle.
Les rouges ont été débouchés 1 heure avant la dégustation et servis à l’aveugle.
Verres Spiegelau Authentis 01
Soirée Club AOC du 5 avril 2013 à La Wantzenau
Thème 1 : à la découverte de l’âme du Muscadet dans les terroirs de Sèvre et Maine.
Atmosphère – Domaine Jo Landron à La Haye-Fouassière : discret mais assez complexe le nez propose une palette sur les petits fruits rouges, le pain grillé avec une petite touche fumée, en bouche la bulle assez grosse provoque une forte sensation d’effervescence mais la mousse est peu persistante, l’équilibre est sec mais le manque de profondeur est trop flagrant.
Issu à 80% de folle blanche et à 20% de pinot noir et très légèrement dosé, ce blanc mousseux est agréable par son côté direct et
léger mais sa mousse assez agressive et sa matière un peu fluette laissent une impression mitigée en bouche.
Facile mais sans profondeur.
Château de la Templerie 2011 – J. Huchet à Château Thébaud : le nez est plus épanoui avec une
palette agréable sur les fruits blancs, en bouche la structure manque un peu de cohérence et la finale est marquée par une petite amertume.
Château de la Bretesche 2011 – J. Huchet à Château Thébaud : le nez est très discret avec des
évocations minérales et un côté eau de roche, la bouche est filiforme mais nette et précise, la finale revient sur des notes pierreuses et une pointe finement citronnée.
Cette première doublette nous propose deux cuvées d’entrée de gamme produites par Jérémie Huchet et provenant de deux terroirs
emblématiques du muscadet : granit pour la Templerie et gneiss pour la Bretesche.
Deux vins vifs et légers qui ne sont pas déplaisants mais qui manquent un peu de personnalité…un peu à l’image des quelques rares
cuvées que j’ai dégustées jusqu’ici…mais je sens qu’on ne va pas en rester là !
Clos les Montys 2011 – Y. et J. Huchet à Château Thébaud : le nez s’ouvre sur des notes très
minérales (coquille d’huitre) avant de révéler une petite pointe citronnée bien tonique, en bouche la matière se tient avec élégance, belle présence et structure très aérienne avec une belle
pointe minérale en finale.
Clos les Montys 2010 – Y. et J. Huchet à Château Thébaud : le nez est plus mûr sur le miel et
les agrumes, en bouche la matière riche et dense donne l’impression d’un beau volume, la finale révèle un caractère salin bien affirmé.
Avec ces deux cuvées issues d’un terroir complexe de limon et de sables gréseux sur une roche mère d’amphibolite et de méta-gabro, nous sommes passés dans une catégorie de muscadets que je ne connaissais pas jusqu’ici : complexes et profondément minéraux ces deux vins séduisent par la qualité de leur équilibre et par leur présence saline en finale. J’aurais une petite préférence pour le 2010 qui malgré son étiquette tape à l’œil un peu datée est une vrai gourmandise aujourd’hui.
Amphibolite Nature 2011 – Domaine Jo Landron à La Haye-Fouassière : après une phase
d’ouverture un peu difficile avec des notes poussiéreuses, l’olfaction se purifie et s’affine en livrant une très belle palette sur le citron frais et la coquille d’huitre, en bouche l’équilibre
est sec sur une matière détendue et élégante, la finale revient sur t des nuances citronnées et iodées.
Château de la Fessardière Climat 2011 – A. Sauvion à Vallet : le nez est discret avec de fines
notes minérales, la bouche semble plus généreuse avec un volume conséquent mais une matière qui reste assez souple, la finale est bien longue laisse se développer une minéralité puissante qui lui
donne un côté presque tannique.
Ces deux muscadets sont conçus à partir de raisins issus de l’agriculture bio et très peu soufrés. La cuvée de Jo Landron qui provient, comme son nom l’indique, d’un terroir d’amphibolite m’a un peu surpris à l’ouverture par une aromatique qui manquait de netteté mais par la suite je suis tombé sous le charme de ce vin équilibré et minéral. Le vin d’Alexis Sauvion qui semble un peu plus dense avec une matière riche et une intense salinité est déjà très gourmand aujourd’hui mais gagnera surement encore en finesse et en harmonie après quelques années en cave.
Domaine de l’Ecu Cuvée Classique 2011 – G. Bossard et F. Niger à Le Landreau : le nez
est ouvert et flatteur sur les fruits blancs (golden, poire) et le miel d’acacia, la bouche possède une rondeur très agréable avec un toucher gras et tapissant et une structure acide souple, la
finale de longueur moyenne prolonge de belles notes fruitées avec de légères nuances oxydatives.
(Terroir de sables siliceux sur roche métamorphique – élevage en cuves su lies durant 10 mois)
Domaine de l’Ecu Granite 2011 – G. Bossard et F. Niger à Le Landreau : le nez est un
peu douteux (petite déviance liégeuse peut-être) avec une palette minérale discrète (silex), la bouche est précise et droite avec un équilibre sec et une minéralité affirmée, mais l’aromatique
reste un peu perturbée…et perturbante.
(Terroir de granit à 2 micas – élevage en cuves su lies durant 18 mois)
Domaine de l’Ecu Gneiss 2011 – G. Bossard et F. Niger à Le Landreau : le nez est
superbe de finesse livre une palette complexe avec des notes végétales (chèvrefeuille, aspérule), complétés par des nuances de fleurs blanches, d’iode et de pierre chaude, la bouche est vineuse,
ample et vive et profondément minérale.
(Terroir de gneiss et de gneiss altéré – élevage en cuves su lies durant 15 mois)
Domaine de l’Ecu Orthogneiss 2011 – G. Bossard et F. Niger à Le Landreau : le nez est
ouvert et flatteur sur les agrumes avec une touche végétale délicate et quelques notes épicées, la bouche possède un volume imposant et une puissance minérale encore plus marquée que sur la cuvée
précédente, en finale le côté pierreux, silex domine un sillage aromatique long et racé.
(Terroir d’orthogneiss – élevage en cuves su lies durant 18 mois)
Le Domaine de L’Ecu travaille ses vignes en biodynamie depuis fort longtemps et propose des cuvées élaborées avec un minimum
d’intrants (pas de levurages et sulfitages très faibles).
J’ai beaucoup apprécié l’esthétique et la typicité de ces vins réalisés avec un souci évident de pureté dans l’expression du
message du terroir.
La cuvée classique est un modèle de gourmandise et de buvabilité et les deux dernières cuvées de terroir brillent par leur matière
juteuse et leur trame minérale intense et cristalline.
Dommage pour le granit qui promettait mais « triple MIAM » quand même !!!
Domaine de la Grange Goulaine 2009 – Domaine Luneau à Le Landreau : le nez est bien mûr, presque confit avec une palette de fruits blancs complétée par des nuances exotique et finement épicées, la bouche est souple avec un beau volume et une petite rondeur très séduisante, la finale est agréable mais manque un peu de tonus.
Cette cuvée issue de vieilles vignes sur un terroir de schistes a été élevée 30 mois sur lies fines avec des bâtonnages réguliers. Charmeur et bien balancé ce muscadet a néanmoins un peu de mal à s’affirmer après la dernière doublette. Moins minéral et peut-être plus consensuel il trouvera sa place à table avec facilité, mais peut-être pas dans la gamme d’accords traditionnelle du muscadet.
Château de la Chauvinière Granit de Château Thébaud 2008 – J. Huchet à Château
Thébaud : le nez est vif et précis sur le citron vert et les fleurs printanières, la bouche est droite avec une matière concentrée et une acidité noble et solidement tendue,
la finale laisse un beau sillage citronné et minéral très persistant.
Château de la Chauvinière Granit de Château Thébaud 2007 – J. Huchet à Château
Thébaud : le nez est complexe et raffiné sur les agrumes, les herbes aromatiques (aneth, verveine) et la pierre à feu, la bouche est puissante et volumineuse, solidement
structurée par une longue acidité qui soutient une belle finale bien expressive.
Issus de parcelles granitiques sur Château Thébaud et élevés durant 4 ans sur lies ces deux Muscadets conçus par Jérémie Huchet
sont simplement magnifiques. Très purs et assumant une expression de terroir digne des plus grands vins blancs ces deux dernières bouteilles se posent comme une forme d’apothéose de cette série
qui m’a fait découvrir le Muscadet sous un jour vraiment nouveau. Enorme MIAM !
Pour conclure :
- Suivant les conseils d’un ami œnophile, j’ai remplacé les verres Spiegelau Expert par le modèle Authentis 01 du même
fabricant et j’ai constaté que les vins réagissaient beaucoup mieux dans ces contenants plus amples, surtout sur ces muscadets dégustés très jeunes. La comparaison avec des voisins équipés en
« Expert » a été très parlante : les notes de réduction ont disparu beaucoup plus rapidement et les expressions aromatiques se sont ouvertes et complexifiées très
facilement.
Certes le volume conséquent de ces verres (presqu’un demi-litre) risque de vous faire passer pour un frimeur – genre
« c’est moi qui ai les plus gros ! » – ou plus simplement pour un boit-sans-soif, mais il n’en reste pas moins que le gain sur le plan organoleptique est vraiment
significatif.
Le club AOC au travail
- Je l’avoue sans honte (et pourtant !) que, malgré une carrière de picoleur déjà bien longue, je ne savais quasiment
rien de cette appellation. Pour moi, le muscadet c’était le petit blanc qu’on trouvait au rayon vins à bas prix et dont je prenais une bouteille de temps en temps pour remplacer l’edelzwicker
dans mes sauces.
C’était aussi le petit vin sec et léger qu’on servait dans les bars de la capitale pour réveiller les papilles des
parisiens et étancher la soif de l’inspecteur Pinaud…mais à part ça !!!
- La belle série de ce soir m’a permis de combler ces lacunes impardonnables pour tout œnophile qui se respecte : j’y
ai rencontré 14 flacons gorgés d’énergie et de minéralité qui ont ravi mes sens.
Produits par des vignerons qui travaillent avec courage et conviction pour faire reconnaître la valeur de leurs terroirs
ces vins aux rapports qualité/prix presque inégalables méritent une large place dans toute cave d’amateur éclairé…merci François pour cette remarquable sélection.
- Pour les coups de cœur j’ai envie de mettre en avant une belle doublette : Orthogneiss 2011du Domaine de l’Ecu qui
sera mon champion en valeur absolue et le Granit 2007 de Jérémie Huchet qui a montré combien ces grandes cuvées de muscadet pouvaient s’affiner et se complexifier dans le
temps.
Thème 2 : des rouges du Haut Médoc face au temps qui passe…
Château Citran 2005 – Avensan : le nez est intense et très gourmand sur les fruits rouges bien
mûrs et une petite note de caramel au lait, la bouche montre un très beau volume avec une matière puissante mais bien équilibrée et une trame tannique noble et soyeuse, la finale de longueur
moyenne libère de discrètes nuances épicées.
(52% cabernet sauvignon + 48% merlot – élevage 12 mois en fûts dont 40% bois neuf).
Château Coufran 2005 – Saint Seurin de Cadourne : le nez est discret sur un registre un peu
plus austère avec des notes de fumée, de torréfaction et de fruits noirs, la bouche est solidement charpentée avec un équilibre très droit et une finale délicatement acidulée mais un peu trop
tannique à mon goût.
(85% merlot + 12% cabernet sauvignon – élevage 12 mois en fûts dont 25% bois neuf).
Avec Citran qui se situe dans un secteur proche de Margaux et Coufran qui est issu de parcelles dans le canton de Pauillac, la
série commence par une paire de crus bourgeois très différents : effets des terroirs probablement, mais aussi conséquence d’un encépagement inhabituel pour Coufran, largement dominé par le
merlot.
Ce soir, le premier a fait une très belle impression avec son élevage parfaitement maîtrisé et sa matière joliment patinée alors
que le second a montré une dureté peu engageante et une grande retenue dans son expression aromatique.
Citran semble à point mais reste encore plein de ressources, pour Coufran encore bien revêche ce soir, je serai moins
optimiste…
Karolus 2001 – Château Sénéjac à Le Pian : le nez est fin et racé avec un fruité complexe, des
notes d’épices et de café, la bouche est généreuse avec une matière opulente et une personnalité très expansive, la finale est longue avec un fruit encore très frais et une fine touche
camphrée.
(48% cabernet sauvignon + 37% merlot + 11% cabernet franc + 4% petit verdot).
Château Camensac 2000 – Saint Laurent-Médoc : le nez mystérieux et très évolutif s’ouvre sur
une petite réduction passagère avant de livrer une aromatique raffinée sur les fruits noirs (cassis, mûre) et le bois noble, la bouche est encore bien concentrée et dotée d’une structure solide
mais élégante, la finale est nette, bien fraîche et finement boisée.
(60% cabernet sauvignon + 40%merlot – élevage 17 à 20 mois en fûts neufs ou de un vin).
Le grand cru classé issu du mythique millésime 2000 a tenu son rang mais la cuvée Karolus 2001 produite par le Château Sénéjac lui
a volé la politesse en le dominant assez facilement par la qualité de sa chair et la finesse de son expression aromatique.
Ceci dit dans les deux cas, on se trouve face à des vins dans la force de l’âge qui se tiennent parfaitement droits dans leurs
bottes et qui peuvent envisager la prochaine décennie avec optimisme. Belle doublette.
Château Citran 1990 – Avensan : le nez est assez évolué mais doté d’une belle
complexité, on y trouve des notes de petits fruits rouges très mûrs et de violette sur un délicat fond épicé, la bouche est charnu, gourmande avec des tanins joliment patinés, la finale de
longueur moyenne garde un équilibre très frais et une grande netteté aromatique.
(52% cabernet sauvignon + 48% merlot – élevage 12 mois en fûts dont 40% bois neuf).
Même si son étiquette porte les stigmates d’une longue vie de bouteille surement très agitée, ce Haut Médoc de 23 ans étonne
vraiment par la précision de sa structure et par le raffinement de sa palette aromatique. Certes, la maturité est évidente mais le déclin ne semble pas encore pour demain…voilà un bourgeois que
j’enfermerai bien encore un lustre ou deux dans ma cave pour voir…
Château Sociando-Mallet 2005 – Saint Seurin de Cadourne : le nez est ouvert et épanoui avec un
fruité encore très expressif et un côté vanillé-épicé délicat, en bouche la matière est dense et grenue avec une trame tannique souple et soyeuse, l’ensemble donne une belle impression de
puissance et d’équilibre, en finale la rémanence fruitée et épicée est très longue.
(48% cabernet sauvignon + 57 %merlot + 5% cabernet franc – élevage 12 mois en fûts 100% bois neuf).
Issu de parcelles de vieilles vignes situées principalement à l’est du village de Saint Sernin de Cadourne, ce Haut Médoc
prestigieux a démontré que sa grande notoriété n’était pas usurpée. C’est le vin le plus puissant et le plus complet de la série.
Aujourd’hui ouvert et facile d’accès, il peut évidemment encore se bonifier avec quelques année de garde…ceci dit, pourquoi
attendre !
Pour conclure :
- Cette courte série d’un très bon niveau qualitatif nous a rappelé que derrière les façades flamboyantes des grands
châteaux du Médoc dont les vins deviennent de plus en plus inaccessibles au commun des mortels, on trouve de très belles maisons qui nous proposent des crus avec d’excellents rapports
qualité/prix. Hormis Sociando 2005 acheté plus de 60 euros chez un caviste, les autres bouteilles se situent dans une gamme de prix tout à fait cohérente (entre 10 et 25
euros).
- Ces vins se distinguent peut-être moins par l’expression de leur terroir mais nous nous étonnent par leur texture
élégante, leur équilibre évident et leur belle tenue face au temps qui passe, ce qui témoigne incontestablement d’une maîtrise absolue des processus d’élaboration mis en œuvre en cave
(extractions mesurées, élevages très précis, assemblages judicieux…).
- Souvent proposé à très petit prix lors des Foires au Vin dans la Grande Distribution, Château Citran s’est imposé ce
soir comme la découverte (ou la redécouverte) de la série offrant un rapport qualité/prix de tout premier ordre. Ceci dit, en valeur absolue, il faut bien admettre que Sociando 2005 a largement
survolé les débats…ceux qui auront eu la bonne idée d’acheter quelques bouteilles de ce grand vin à sa sortie peuvent se frotter les mains.
- Merci à Paul de nous avoir conçu cette belle sélection, j’espère qu’il continuera à nous emmener régulièrement en
promenade sur les bords de la Gironde.