Club AOC…la classe jusque dans les chaussettes à vin !
Après une réunion de rentrée conviviale et copieusement arrosée en septembre, avec des tartes flambées brillamment réalisées par
notre couple d’experts, Frantz et Martial, secondés dans leur tâche par François, « Monsieur Plus » et Alain, le stakhanoviste de la crème et du lardon, notre club reprend ses activités
habituelles ce soir.
Au programme deux nouveau thèmes fort intéressants (comme d’habitude) :
- Thème 1 : à la découverte des vins de Moldavie.
- Thème 2 : les blancs de Bourgogne sont-ils vraiment les plus grands ?
Stefan est citoyen moldave et membre émérite de notre club depuis plus de deux ans. Il a pu faire jouer son
réseau relationnel chez ses compatriotes pour constituer une série de bouteilles qui pourra nous donner un petit aperçu de la production vinique de son pays.
L’occasion était trop belle : pouvoir parler de vins moldaves, ça n’est pas donné à tout le monde…je vais enfin pouvoir me
distinguer dans les assemblées viniques !
Pour les bourgognes blancs ce fut plus classique et plus facile, mon addiction à ces vins m’ayant conduit à en encaver depuis plus
de 2 décennies, je n’ai eu qu’à faire un petit tour dans ma réserve personnelle pour constituer une série de 6 pépites censées démontrer au groupe de ce soir que cette place au sommet de la
planète vinique n’était pas fortuite.
Moi, j’en suis convaincu depuis longtemps…mais je vais avoir affaire à quelques alsacos purs et
durs…Suspense !
Les vins de la première série sont servis 1 par 1 et 2 par 2 pour les 4 dernières références, bouteilles cachées.
Les vins de la seconde série sont cachés et servis 2 par 2.
Verres INAO.
Soirée Club AOC du 7 octobre 2011 à La Wantzenau
Thème 1 : c’est où déjà la Moldavie ?
Crémant Cricova Cuvée Prestige : le nez est agréable et très classique sur
les fruits blancs, le beurre, la craie et une petite touche de miel, en bouche la mousse est virulent avec un CO2 qui altère peut-être un peu la pureté du goût, la finale est légèrement
amère.
Située au centre de la Moldavie, près du village éponyme, la maison Cricova est connue pour ses caves gigantesques (100 km de
galeries…ça calme !) implantées dans une ancienne mine. Ce crémant conçu selon la méthode champenoise est un assemblage de pinot blanc et de chardonnay constitue une plaisante entrée en
matière même si sa bulle agresse un peu le palais.
Chardonnay Premium Wine 2008 – Purcari : le nez est discret avec quelques notes beurrées
et boisées suivies par des arômes floraux très fins, l’attaque en bouche est empreinte d’une certaine douceur avant de révéler une matière assez légère mais bien fraîche, la finale est vive et
discrètement boisée.
Avec un marquage chardonnay bien présent mais des éléments constitutifs qui apparaissent un peu dissociés à l’ouverture, ce vin se
montrera bien plus à son avantage en fin de soirée après une longue oxygénation…une cuvée sûrement encore un peu jeune, mais avec un vrai potentiel !
Comme pour le vin précédent, Purcari est le nom d’un village situé dans le sud-est de ce pays mais aussi celui de l’exploitation
viticole qui a produit cette bouteille. La plupart des vins de la soirée proviennent de ce domaine dont nous reparlerons plus loin.
Rara Neagra 2009 – Purcari : le nez est assez intense et bien net sur les petits fruits rouges, en
bouche les arômes de groseille s’imposent, la matière est assez ample mais la finale est très austère.
Issu d’un cépage autochtone ce premier vin rouge de la série séduit par sa présence aromatique mais dérange un peu par un excès de
sècheresse en bouche…étonnant pour un 2009 !
Shiraz Equinox 2009 : le nez est dominé par de puissantes notes d’élevage qui laissent peu
à peu la place à d’élégants arômes floraux et épicés, la bouche est assez charmeuse avec du fruit, une pointe acidulée et un boisé plus discret qui revient en finale.
Ce vin de syrah, produit par un vigneron indépendant du village de Purcari, est un peu trop « planchu » à mon goût mais
révèle une très belle matière en bouche…visiblement pas tout à fait en place aujourd’hui cette cuvée peut réserver une bonne surprise dans quelques temps.
Pinot Noir 2006 – Purcari : d’entrée le nez se montre plus raffiné avec une palette sur les fruits
mûrs et les épices, la bouche possède des tanins soyeux, une acidité bien verticale et une matière très gourmande, la finale est bien aromatique mais se révèle un peu court.
Même si le corps manque un peu de charpente, ce vin se déguste avec plaisir, tout en finesse et en douceur.
Cabernet Sauvignon 2003 – Purcari : le nez est discret mais très complexe avec des notes de petits
fruits rouges, des épices et une touche légèrement fumée, la bouche est tonique, toujours bien fruitée mais la finale est marquée par une acidité très pointue et des tanins assez
virils.
Malgré de belles promesses au nez ce vin se montre trop sévère en bouche…et pourtant avec ce millésime on aurait pu s’attendre à
davantage d’agrément au bout de 8 ans de garde.
Rosu de Purcari 2003 – Purcari : le nez est dominé longuement par des notes empyreumatiques assez
bizarres (caoutchouc, caramel brûlé), la bouche est très anguleuse mais avec un fruité qui commence à se manifester, la finale est dense mais la trame tannique reste assez râpeuse.
Château la Rose Brana 2003 – Vignobles Ollier à Saint Estèphe : le nez dénote avec le précédent par
sa finesse, on y trouve des arômes de fruits rouges acidulés sur une fond boisé très fin, la bouche surprend par sa virulence, les tanins sont anguleux, l’acidité est puissante et la finale reste
assez agressive malgré l’apparition de quelques notes de violette tout à fait charmantes.
Cette paire de vins avec un pirate que personne n’a démasqué, ont des structures en bouche presque similaires, austères et
excessivement viriles même si le Saint Estèphe offre une palette aromatique plus raffinée que la cuvée moldave. Issu d’un assemblage de cabernet-sauvignon, merlot et malbec élevé 3 ans dans des
barriques de chêne français, ce Rosu n’a toujours pas digéré son élevage…mais y arrivera-t-il un jour ?
Le Saint-Estèphe a globalement déçu, surtout en bouche, même s’il s’est montré plus d’harmonieux le
lendemain…
Negru de Purcari 2005 – Purcari : le nez est délicat et raffiné avec un registre sur les fruits
noirs confits et les épices (muscade), en bouche l’attaque est vive, la matière est charnue, riche et très juteuse, la finale est légèrement acidulée et revient sur les notes épicées.
Negru de Purcari 2003 – Purcari : comme le précédent le nez libère de beaux arômes de fruits noirs
mûrs mais révèle un boisé subtil et bien intégré, la bouche est dense, veloutée avec une matière riche et des tanins souples, le finale reste bien fraîche mais d’une longueur
conséquente.
Les Negru de Purcari sont des assemblages dominés par le cabernet sauvignon (70%) et complétés par 2 cépages locaux (20% de rara
negra et 10% de saperavi). Ces 2 vins nous font faire un vrai bond qualitatif dans la série : une grande distinction au plan aromatique et un équilibre impeccable en bouche, ces fleurons de
la maison Purcari sont de très beaux vins !
La série complète.
Pour conclure :
- La Moldavie est une petite république de 4 millions d’habitants située entre la Roumanie et l’Ukraine. L’histoire
viticole de ce pays est très longue puisque, dès le I° siècle avant J.C., les Grecs y ont introduit leurs cépages et leurs pratiques culturales.
Complètement détruit par les deux guerres mondiales et par les mesures drastiques de lutte contre l’alcoolisme imposées
par l’U.R.S.S. des années 80 (arrachage d’une grande partie des vignes), la viticulture moldave renaît de ses cendres depuis la fin des années 1990 si bien qu’aujourd’hui on ne compte pas moins
de 147000 hectares en culture .
La Moldavie et ses principales villes…Purcari se trouve à l’est de Causeni sur les bords du fleuve Nistru
- Le secteur de Purcari est particulièrement propice à la culture de la vigne : avec une latitude équivalente à la
Bourgogne, des vignes sur les coteaux qui bordent le fleuve Nistru, un sol argilo-calcaire recouvert d’une couche de terre noire plus fertile et un microclimat adouci par l’influence de la Mer
Noire, on dispose de conditions très favorables pour concevoir de beaux vins.
Purcari et les méandres du Nistru
- La plupart des vins dégustés ce soir sont encore un peu trop démonstratifs avec des élevages qui manquent de subtilité
et des matières parfois un peu trop virulentes, mais les potentialités de ce vignoble sont évidentes…il suffit pour s’en convaincre de goûter les 2 magnifiques Negru de Purcari, coups de cœur
absolus sur cette série.
- Après ce voyage culturel et gustatif tout à fait passionnant, il faut remercier chaleureusement Stefan notre guide en
terre moldave pour la qualité de son travail : j’ai appris à connaître un peu mieux ce pays tout en me régalant avec cette dizaine de flacons venus d’une région plus qu’exotique pour un
oenophile francocentré de mon acabit…on voyage, on s’ouvre de nouveaux horizons dans notre culture vinique, c’est ça aussi le club A.O.C. !
Thème 2 : les rois bourguignons méritent-ils leur trône ?
Pernand Vergelesses Les Cloux 2008 – Domaine Rollin à Pernand Vergelesses : le nez
est discret mais raffiné avec des arômes de pamplemousse et quelques évocations très minérales (pierre, coquille d’huitre), la bouche est ample, verticale et minérale avec une acidité droite bien
longue et une finale où apparaît une fine touche mentholée.
Meursault Vieilles Vignes 2008 – Domaine Buisson-Charles à Meursault : le nez est
épanoui et complexe avec des notes de miel, de mirabelle et de poire Williams, la bouche possède une structure large et sphérique, beaucoup de volume et de gras et une finale très longue où on
retrouve la complexité aromatique perçue au nez.
Voilà une belle entrée en matière avec ces deux cuvées de caractère très différent mais avec un excellent niveau qualitatif :
le Pernand est un vin de terre sans concession mais avec une structure solide et impeccablement construite alors que le Meursault se présente d’emblée comme un grand séducteur tout en révélant
une matière dense et équilibrée, pleine de sève et d’énergie…et 2 MIAMS pour commencer !
Puligny Montrachet 1°Cru Les Referts 2004 – Domaine Carillon à Puligny : à
l’ouverture le nez se montre peu avenant avec des notes de poudre à canon et un peu de réduction, après oxygénation la palette se purifie pour évoquer des beaux arômes d’écorce d’agrumes, de
fougère et d’épices, la bouche est puissante avec une structure verticale et une finale longue et complexe.
Meursault 1°Cru Bouches Chères 2004 – Domaine Buisson-Charles à Meursault : le nez
est très agréable, ouvert et disert, il fait parler l’assistance…miel de châtaigne, fleurs, notes fumées, épices douces, la bouche donne une impression de suavité par sa texture soyeuse et son
gras très élégant, la finale longue laisse transparaître de discrètes notes de gentiane.
Ces deux premiers crus issus d’un millésime réputé difficile tiennent leur rang avec noblesse et distinction tout en gardant leurs
différences : le Referts puissant et minéral et le Bouches-Chères caressant et raffiné…un couple magnifique !
Corton Charlemagne 1997 – Domaine Marey à Pernand Vergelesses : le nez est complexe et
évolutif, après des notes minérales (poudre à canon et silex), on perçoit l’amande grillée, les fruits jaunes et les épices, la bouche est opulente, riche et volumineuse avec un milieu un peu
moins dense mais une finale qui impose avec force une longue persistance aromatique.
Bienvenues Bâtard Montrachet 1997 – Domaine Carillon à Puligny : le nez est discret et racé,
craie, silex écorce de citron, la bouche est puissante, minérale et très grasse avec des arômes nobles et pénétrants qui persistent dans une finale de longueur exceptionnelle.
C’est toujours difficile d’ouvrir de grandes bouteilles car, au vu des attentes justement très élevées, le risque de déception est
réel…mais ce soir, les « pointures » se sont imposées avec brio !
Des émotions pures et intenses face à l’évidente beauté ces 2 vins…silence et recueillement !
Pour conclure :
- cette série très courte a été conçue pour offrir un crescendo qualitatif en associant deux vins de niveau et de
millésime similaires mais d’origine et d’expression différentes. Après la dégustation on a le sentiment que ces 6 crus ont vraiment joué leur partition sans fausse note en assumant leur typicité
et leur classement.
- Les villages 2008 se sont montrés bien ouverts et ont séduit par leur franchise et leur gourmandise, les premiers crus
2004 étaient à parfaite maturité, riches et complexes (et sans faux goûts végétaux…pour le meursault, il fallait vraiment chercher et donc connaître le millésime, j’étais d’ailleurs le seul à
trouver un peu de gentiane…pas étonnant !), enfin les 2 Grands Crus nous ont mis une belle claque avec des présences olfactives complexes et des textures en bouche d’une densité et d’une
puissance vraiment incomparables. De plus, après plus de 14 ans de garde, ils se tenaient magnifiquement bien et ne semblaient pas du tout prêts à partir sur le déclin, apportant ainsi la preuve
que l’on peut garder sereinement de grands bourgognes blancs.
- à titre personnel, s’il fallait vraiment isoler l’un au l’autre coup de coeur de cette sélection, je choisirai d’un côté
le Meursault Vieilles Vignes 2008, jeune mais déjà tellement séduisant et d’un autre côté le Bienvenues 1997 qui rentre dans le pinacle des très grands vins blancs que j’ai eu l’occasion de boire
(comme son grand frère de 1993 que j’ai dégoupillé quelques jours auparavant avec l’ami cyra).
La série bourguignonne au complet avec des « tenues » plus ou moins présentables…mais comme on dit « l’habit ne fait pas
le moine ».